"No Man’s Land, toile peinte lors d’une résidence que je fis à Paris en mai 2010 se veut être une réponse à Tant Qu’Il Y Aura Des Hommes, dont j’avoue n’avoir qu’un vague souvenir. Quoiqu’il en soit, tant qu’il y aura des hommes, il y aura de la vie, il y aura de l’espoir. J’avais été invité à faire cette résidence afin de préparer une exposition sur le thème (N) Ayez (Pas) Peur. Il ne me restait plus, à moi, qu’à trouver ce qui m’effrayait le plus. Réponse immédiate : la guerre.
Mes parents l’ont connue, mon père a même participé après 45 à d’autres conflits de part le monde. Quant à moi je n’ai vécu que des luttes intérieures, des angoisses que j’ai su générer ma vie durant, sans faire trop d’effort il me faut bien l’admettre, pimentées ça et là de quelques traumatismes hérités de mes aïeux. Bref, tout est normal. Et l’âge aidant – l’art aidant ? – j’arrive de mieux en mieux à gérer ces luttes.
Enfin, pour information et en guise d’anecdote, j’ai achevé la toile un 8 mai. Y’a pas de hasard comme dirait l’autre.
Ca ne s’arrête pas là pour autant. Car cette peinture a généré dans sa réalisation même d’autres guerres, d’autres destructions. Lorsque j’ai fait les premiers croquis, lorsque j’ai « pondu » ce projet, j’avais choisi comme
titre Alice in No Man’s Land. Eprouvant depuis quelques temps déjà une certaine fascination pour l’ouvrage de Lewis caroll – je travaillais depuis deux ans sur le Lapin Blanc – je venais enfin d’entreprendre la lecture du célèbre livre dont ne me subsistaient que quelques souvenirs d’enfance. Et puis aussi Alice je la connaissais. Elle vivait dans un lointain Wonderland, un pays d’interrogations d’où j’étais à la fois présent et absent et au seuil duquel je rêvais. Et dans ce projet la jeune fille qui tenait autant d’Alice que de Lolita – car elle n’était pas vraiment ingénue – se trouvait miraculeusement indemne au milieu d’un charnier sous un ciel de feu et de cendres. La vierge-putain était demeurée vivante et pure. Rien n’était alors tout à fait perdu. Il n’y a plus d’hommes ? Qu’importe puisqu’il s’agit d’un rêve, d’un Wonderland.
L’espoir subsiste." (Patrick Jannin)
Courtesy Galerie Golden Brain – Yannick Le Guern, Paris