Dans une interview récente, Hessie souligne qu’elle ne fait pas de dessins et que si elle a commencé la broderie à la fin des années 1960 c’est parce qu’elle ne savait pas dessiner. Pour cette artiste d’origine caribéenne, dont on est en train de redécouvrir le travail, la broderie constitue en effet le médium de prédilection, à travers des compositions minimales de fils sur tissu de coton. Pourtant, Hessie a également réalisé au début des années 1970 un important ensemble de collages et de perforations sur papier. D’une technique plus immédiate que la broderie, les Collages constituent une sorte d’inventaire du quotidien de l’artiste. Morceaux de jouets, papiers d’emballage, bouts de ficelle ou autres rebuts de la vie ordinaire, les petits objets fixés sur le papier relatent les bribes d’une mémoire anonyme dans laquelle chacun peut projeter les fruits de sa propre expérience.
Les Perforations proposent un autre procédé, en relation directe avec le papier. De la douceur à la violence, c’est une palette physique des sentiments qui se déroule sur la feuille blanche. Par la pulsation du rythme des trous et leur dissémination précise sur la surface, Hessie raconte un récit d’avant la lettre, issu non pas de la pureté d’une abstraction formelle mais du trop plein des voix de « Milliers de frères inconnus », ainsi qu’elle a titré un de ses papiers perforés.