Antonio Di Aquila naît en 1475, au coeur d’une nuit d’un mois commençant par un « j » et finissant par un « t », le nom de la ville, commençant, lui, par un « V » majuscule et finissant par un « a ».
Tout se passe bien, ses mensurations de nouveau-né sont dans la norme.
- Enfant turbulent, adulé par ses parents, de riches propriétaires terriens de la région de Vicenza (V…a),Antonio Di Aquila promène sa suffisance jusqu’au jour où on lui fait remarquer qu’il a une certaine disposition pour l’art du dessin. Il a alors dix ans.
- Durant les cinq années qui suivent, le jeune garçon semble trouver un équilibre entre sa passion artistique et la pratique du calcio fiorentino, sorte d’ancêtre du football aux livrées fastueuses qui fait fureur dans les régions du nord de l’Italie (ainsi que dans son propre corps, au contact d’autres jeunes gens). Sa sexualité trouve ici sa voie.
- Début 1490, un terrible drame le prive de ses deux parents, assassinés par des bandits de grand chemin. Recueilli par un ami proche de la famille, le marchand de soie florentin Francesco Del Giocondo, Antonio se jette corps et âme dans l’étude du dessin et de la peinture. Il intègre l’atelier d’un représentant de l’école florentine qui confirme chez lui un talent prometteur.
- En 1501, Del Giocondo demande au jeune peintre de réaliser un dessin de sa femme Lisa Maria. Pari relevé,
mais échec cuisant. Antonio disparaît pendant plusieurs mois.
- Deux ans plus tard, le riche marchand de soie rencontre Leonardo Da Vinci. Il lui passe officiellement commande du fameux portrait de sa femme.
- Leonardo se met au travail. Il est accompagné de son jeune assistant, beau comme un dieu, Salaí, vingt-trois ans. Antonio, revenu affaibli, est chargé de gérer les séances de pose et l’atelier. Salaí tombe amoureux dans l’instant. Coup de foudre réciproque… Mais surtout coup de foudre à trois. Leonardo Da Vinci a cinquante et un ans. Antonio va sur ses vingt-neuf, la jeunesse le fuyant déjà, mais son visage osseux et son corps athlétique attirent le regard du maître, passionné, on le sait, de dessins et, plus que ça, de travaux sur l’anatomie.
- Antonio Di Aquila devient ainsi un peu assistant (de Salaí), et beaucoup modèle (pour Leonardo)…
- Le portrait de Lisa Del Giocondo progresse. Lui marque-t-on les cils et les sourcils ? La question divise.
- Antonio vit de moins en moins bien sa situation. Il en veut à Leonardo. Il est jaloux de sa mainmise sur Salaí, des nuits qu’ils passent ensemble, mais aussi de son inaccessible art.
- Il sombre dans l’alcool fort.
- Un matin ensoleillé de printemps 1506, Leonardo et Salaí découvrent le corps d’Antonio inanimé, baignant dans son sang, au pied de la Joconde toujours inachevée. Ils ne réalisent pas alors que de fins sourcils ont été rajoutés au-dessus du regard, déjà bien en place, de Monna Lisa.
- Antonio ne meurt pas. Il est soigné à l’hôpital Santa Maria degli Innocenti, puis orienté vers un service psychiatrique, quelque part.
- À la fin de la même année, Leonardo Da Vinci prend pour assistant (et nouveau compagnon) le tout jeuneFrancesco Melzi, quinze ans. Salaí approuve. Voyage à Paris, puis ailleurs, la Joconde inachevée toujours sous le bras.
- Au cours de ces années, Leonardo Da Vinci reprend ses visites de morgues et d’arrière-salles d’hôpitaux, histoire de parfaire par la dissection ses connaissances anatomiques, d’extirper des images pour comprendre l’intérieur des corps.
- De retour à Florence, le 13 avril 1511, à très exactement 23 h 58, Leonardo est penché sur un cadavre. D’ungeste sûr, il incise la poitrine. Le sang épais coule. Il s’arrête, il a un doute. Il soulève le drap qui couvre le visage du mort.Antonio Di Aquila.