Les images semblent émerger d’une profondeur d’ombre infinie, le
mouvement qui les habite n’est plus celui de la photographie, pas encore
celui du cinéma. Il est le mouvement du récit, de la narration, du conte.
Toutes ces photographies se répondent, s’appellent, s’engendrent les unes
les autres en un réseau potentiellement infini. Un réseau qui couvre son
monde, comme si la carte se superposait exactement au territoire, comme
si l’image transposait exactement le songe. Les photographies de Spricigo
sont étoilées de fractures, parsemées de traces et d’accidents, d’éraflures
et de manques. Il les accepte et en fait oeuvre, le coup de dés du hasard n’a
jamais été aussi présent que dans cette oeuvre, pourtant maîtrisée de bout
en bout.
Le monde intime que cette oeuvre ouvre pour nous semble trouver son
essence dans la dernière phrase écrite par Gérard de Nerval, le soir même
de sa mort : « Ne m’attendez pas ce soir car la nuit sera noire et blanche. »
Anne Biroleau