Rendu final.
Blutch : "Je cherchais la fidélité à ce qui fait ma manière de dessiner, à savoir dans ce cas précis, le charbonneux, le mal-cerné, la nervosité.C’était ma première expérience en matière d’animation. J’étais neuf. J’ai dû me
plier à ce qui constitue la base de la vie sociale : dire. Dire ce que je voulais, ne
voulais pas, dire ce que je pensais. Voilà qui était neuf pour moi qui suis habitué à travailler entre les quatre murs de ma tête d’oiseau. Essayer de se faire
comprendre, partager et en fin de compte imposer sa vision (tenter en tous cas), voilà le défi. Etre sûr de ses choix, moi qui doute à chaque seconde. J’ai dû forcer ma nature.
Et puis une vague sensation d’imposture, puisque ce n’est pas moi qui ai trimé pendant des mois dans la pénombre de la salle des machines, me noircissant les mains sur des dizaines et des dizaines de dessins, mais bien mon équipage (ndlr : au studio Prima Linea Productions à Angoulême).
Moi, j’avais le beau rôle avec ma casquette de capitaine, trônant sur les ponts
supérieurs. Les images qui bougent en grand ont une espèce d’évidence brutale et envahissante. Ça vous saute aux yeux. Nous sommes là à l’opposé du dessin immobile, qui ne se livre pas, qui reste toujours à décrypter, qui se dérobe. Et ce fut bien là ma principale difficulté : comment préserver le silencieux mystère du dessin statique sur le géant-écran."