Panorama artistique autour de la ville
Berceau de plusieurs mouvements et idéologies artistiques, Paris résonne comme le temple de toutes les explorations en matière de création. Si bien que Marcel Duchamp en captura l’air pour l’exporter. Autour de soixante-seize artistes, les Airs de Paris se sifflent à nouveau au Centre Pompidou.
Capitale, Paris l’est déjà, seulement, elle l’est aussi comme centre névralgique de bons nombres d’artistes qui voient en elle les raisons et/ou les résultats de leurs démarches créatives.
L'humain dans l'urbain
Autour des problématiques qui sont celles de l’humain dans l’urbain, des mutations économiques et sociales, Gordon Matta-Clark, Chris Marker, ou encore Adel Abdessemed proposent de se réapproprier l’espace en l’interrogeant à la fois sur sa genèse et sur son devenir.
Le spécialiste du vivant, Michel Blazy, ouvre le bal, avec une œuvre hommage et clin d’œil à l’ampoule aérienne de Duchamp : Pluie d’air, 2007. Des dizaines de micros fioles de colle noire se balancent du haut du plafond du Centre, comme des idées en cours d’élaboration. Plus loin, Stéphane Calais se joue de la nature citadine, en créant de faux troncs d’arbres façon kit à monter soi-même (Avril, 2007). Œuvres fragiles, ils témoignent de la vulnérabilité d’éléments déracinés de leur contexte. Jean-Luc Moulène prolonge le débat en réunissant sur une palette des journaux jaunis et les messages de ceux qui sont passés sous le tunnel, boulevard de Bercy.
La grotte, l’abri sont aussi les thématiques non avouées de cette exposition. En effet, l’inclassable duo de graphistes M/M se lie momentanément à Pierre Huyghe à travers une œuvre graphique souvent exposée, No Ghost Just a Shell.
Dessiner (sur) la ville.
L’affichage, langage direct et parfois clandestin des murs urbains s’inscrit, lui aussi, dans Airs de Paris, sous les "dé-collages" de Raymond Hains, certes, mais aussi à travers l’œuvre de Rainier Lericolais, qui reprend les affiches de spectacles de l’Olympia ou de la salle Pleyel pour un moirage à l’encre et à la craie grasse en noir et blanc. L’information devenue illisible laisse ainsi sa place une vision typographique en flottement, enduite d’une poésie nostalgique (Dé peintures, 2007).
L’ornemental n’est pas non plus de reste, Pierre Bismuth lui dédiant un large couloir couleur barbe à papa, sur lequel des moutons graphiques s’interrogent avec justesse sur le clonage (I agree the idea of cloning human is disgusting, 2003).
Koo Jeong –A dessine elle aussi sur les murs, à la façon d’un écolier qui s’ennuie sur le banc de l’école. 1001 dessins occupent trois murs, tour à tour saynètes burlesques, satyriques, non sans rappeler le duo Fischli & Weiss.
Autour, dans et avec Paris
Rome ne s’est pas faite en un jour. Paris non plus. La question de la construction, de l’édifice qui donne vie et identité à une ville s’impose enfin d’elle-même. Zaha Hadid le démontre sous diverses maquettes et croquis toujours emprunts d’une rigueur énigmatique imparable. Projets aboutis ou avortés, elle convie ici le visiteur à lorgner vers son atelier pourtant hermétique. Les frères Bouroullec s’amusent, eux, du feutre – vénéré par Morris et Beuys – le contraignant à aménager le showroom de Stockholm, ici reconstitué pour Airs de Paris. Véritable paroi de tuiles, Tices, s’inspire des écailles de reptiles, en jouant sur les dégradés de verts comme sur une isolation parfaite de l’extérieur.
Scénographie et design se mêlent dans l’installation de Philippe Rahm, où le visiteur pénètre dans une salle jaune, meublée de sofas noirs et épurés. Favorisant le sommeil, cette salle est la fusion réussie de l’éclairage et du design mobilier.
Si le citadin cherche à insérer la nature dans un paysage essentiellement minéral, il tente aussi de garder, dans son intérieur, la même ligne en matière de style.
Philippe Picaud et Philippe Vahé, pour Décathlon Design, ont judicieusement misé sur cette nouvelle idée de l’harmonie jusqu’aux objets les moins usités. Ainsi, le style de l’Ipod d’Apple se retrouve-t-il dans le design d’appareils de fitness, lui même intégré dans le meuble. L’audacieux pari du 2 en1 porte bel et bien ses fruits.
Panorama complet des contingences de la ville, Airs de Paris rapproche - par une diversité certaine et de nouveaux artistes - l’art et les designs de la condition proprement humaine, sans omettre la correspondance entre les différents statuts des citadins et les cohabitations de communautés parfois ardues.