Arts plastiques et biologie à la Villette

Cousins dans l’histoire du monde, hautement distincts pour les philosophes, les animaux et les humains se scrutent sans jamais se confondre. Souvent considéré à partir de stéréotypes et de mythes judéo-chrétiens, le règne animal ne semble pas avoir tout livré de ses secrets. A l’occasion de la réouverture de la Grande Halle de la Villette, l’exposition Bêtes et Hommes rassemble les préoccupations de plasticiens actuels sur les disparités qui fondent l’animal et l’homme. A la frontière de la science et de l’ethnologie.


Une longue histoire

De la nature morte et ses oiseaux en passant par les innombrables scènes de chasses peintes tout au long des siècles passés, les références animalières ne manquent pas dans l’histoire de l’art. Rauschenberg insérait volontiers des volailles dans ses Combines, Beuys expliquait la peinture à un défunt lièvre ou cherchait à établir une communication avec un coyote. Si l’animal n’apparaît pas de manière évidente comme un moyen d’expression artistique, il lui est souvent attribué des postures ou des sentiments humanoïdes. Bêtes et Hommes met en exergue les relations complexes que l’homme entretient ou rejette de l’animal. Selon les propos abordés, les artistes font appel de façon récurrente, à la présence animalière par le biais de parti-pris philosophiques, mythologiques ou simplement comiques. A l’instar d’Annette Messager qui démontre, sur ses Pensionnaires (1971-1972) -soit quelques centaines de moineaux empaillés et emmaillotés- les résurgences cruelles de l’enfance, cette exposition replace l’animal comme être vivant et non plus comme simple sujet.
 

Dans la jungle de l’art

Etablie sur 3500 m², l’exposition aborde les relations de l’homme à l’animal en partant de similitudes élémentaires. Ainsi la notion d’abri a été prise comme lieu commun, s’inspirant du nid, du terrier comme de l’HLM. Cocon muséographique, la scénographie de l’exposition se place comme un lieu de rencontre entre membres d’une même espèce, comme celui qui relie celles que chacun méconnaît. Les matériaux naturels et les mises en scène détachées se placent par ailleurs, à l’encontre de l’idée trop évidente d’un zoo dans lequel on jouerait à découvrir avec abêtissement les hiérarchies zoologiques, orchestrées par un gardien bien humain.
Entre évolution darwinienne et domesticité systématique, l’animal joue ici son propre rôle. Ses qualités – de guide ou de bras droit- sont exposées avec efficacité et émotion, dans la série photographique de l’artiste Jane Evelyn Atwood, qui cristallise la fonction remplie par un chien auprès de la comédienne aveugle Ouiza Ouyed.

Dépendances ?

Bien que l’homme s’acharne, à travers le clonage de brebis ou les farines animales, à " rentabiliser " l’animal, celui-ci ne renvoie pas nécessairement l’image escomptée. Anne Ferrer reprend dans son installation, les codes formels des carcasses de viande, suspendues aux crochets bouchers. Constitués de différents tissus et autres dentelles, les corps bovins qu’elle met en scène ramènent l’idée d’une utilisation ancestrale de peaux de bêtes au profit de l’homme. Pas de poils ni de chairs ensanglantées dans Carcasses (1992) mais bien la métaphore d’une opulence consumériste. Si on attribue volontiers les mimiques des hominoïdes à celles de l’homme, on leur refuse pourtant le statut de son intelligence. Carsten Höller surprend ainsi le visiteur avec son Orang-Outang (2000-2001) prostré et totalement dépourvu de pilosité. Une humanité émerge alors de ce corps primitif, générant une déconvenue quant à la quantité de respect qui lui est due.
Touche de design inattendue, le canapé Teckel (2005) de Hilton Mc Connico démontre les influences morphologiques du règne animal, ici canin, dans une démarche de design que l’on pense toujours futuriste ou métaphysique.

Bêtes et Hommes, une thématique qui méritait bien qu’on lui consacre une exposition, rappelant au passage, que l’homme est, ne l’oublions pas, lui aussi un sacré animal.

Agathe Hoffmann – Octobre 2007

Jusqu’au 20 janvier.
Bêtes et Hommes
, Grande Halle, Parc de la Villette, Paris 19ème.
Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 18h, le samedi et dimanche de 11h à 19h.