Installation décalée

A la fois photographe, vidéaste, plasticien et enseignant, Christian Gonzenbach s'amuse de l'anodin et parodie les vanités. Tour à tour ventriloque de cadavres animaliers, taxidermiste de lapin géant et chef d'orchestre de cornichons, cet artiste suisse, spécialiste de la bouffonnerie, déroute le visiteur à la galerie Magda Danysz. 

 

Un vague cousin de Frankenstein

Entre manipulations du vivant et arrangements d'objets inanimés, Christian Gonzenbach expérimente le quotidien et ses contradictions. Après des études de biologie dont les influences sont nettement perceptibles, il redonne vie aux crânes d'animaux et scénarise des rencontres amoureuses entre volatiles et lagomorphes dans d'inquiétantes installations vidéographiques. Admirateur des travaux plastiques de Damien Hirst et de ses animaux en "tranches", cet artiste pose la question de la frontière entre l'ordinaire et l'extraordinaire, au point de réussir à semer le doute chez le spectateur.

Travaillant image par image, il reprend les codes de la nature morte à travers des vidéos burlesques où tout va contre-nature, ainsi Still Live with Rabbit and Duck (2007) ou la version zoologique de Roméo et Juliette. Le dessin n'est cependant pas relégué au second plan, puisque que C. Gonzenbach l'exprime, gravé sur des peaux de lapin, en y singeant les figures de l'imagerie populaire. Sculptures en mortadelle et mâchoires à vifs rythment les écrans de l'exposition, à la frontière de la boucherie et du chamanisme.
 

Contes et morale

Si Gonzenbach peut apparaître comme un énergumène déjanté, il faut alors aller au-délà de la représentation. En effet, si les vanités de Chardin ou de Georges de la Tour martèlent dans leurs toiles la caractère mortel et éphémère de l'homme, Gonzenbach s'en amuse et y préfére l'expérimentation cinématographico-biologique. "Quand on travaille avec des poulets morts, on a des acteurs qui ne se plaignent jamais," justifie-til. Plus loin dans l'exposition, un gigantesque lapin blanc nous fixe de ses yeux carmins. En s'approchant, le visiteur se rendra compte que son pelage est bien animal, constitué de plusieurs centaines de peaux de lapin ... Déshabiller Pierre pour habiller Paul. L'artiste glisse habilement de la fresque pastiche à l'interrogation sur la consommation, à l'instar de ses cornichons domestiqués (Natural History (Gherkins!), 2007), métaphores de la société et de ses aberrations.

Chaînon manquant entre l'artiste belge Wim Delvoye et le duo suisse Fischli & Weiss, Christian Gonzenbach devrait trouver bien vite des adeptes à ses toquades. Un univers pertinent et acide, à savourer à la galerie Magda Danysz comme sur le site de l'artiste www.gonzenbach.net.
Âmes sensibles s'abstenir.

 

Agathe Hoffmann – Septembre 2007

Jusqu'au 6 octobre
Galerie Magda Danysz, 78, rue Amelot, Paris 11ème.
Ouvert du mardi au vendredi de 11h à 19h, le samedi de 14h à 19h.