Ina Van Zyl

Originaire d'Afrique du Sud, l'artiste néerlandaise Ina Van Zyl reprend dans les années 1990 les bribes de sa vie à travers la bande dessinée BitterKomix, une revue particulièrement underground,à laquelle a notamment participé l'acide Robert Crumb. Et c’est à l'Institut Néerlandais qu’elle a choisi de présenter sa nouvelle œuvre, picturale cette fois, mais toujours profondément provocatrice et réaliste.

 
L'institut Néerlandais présente ces jours-ci l'oeuvre d’Ina Van Zyl, jeune artiste effacée, arrivée aux Pays Bas à l'âge de 24 ans, imprégnée d'une culture aux antipodes de celle de Van Eyck. En effet, dès ses premiers travaux de dessinatrice, elle croque avec cynisme et dérision la société sud-africaine où elle a grandi, à travers les différences raciales, sociales et statutaires. Plusieurs histoires au fusain se dévoilent, tantôt anodines, tantôt violentes, traitées dans une stylistique acérée en noir et blanc où les visages blêmes et les gestes anguleux traduisent les aléas d'une vie. « Mon travail s'inspire beaucoup de l'oeuvre de Philip Guston, dans la technique comme dans l'appréciation et l'interprétation du réel. » explique Ina Van Zyl, ses mains s'agitant devant l'une de ses toiles. Se tournant finalement vers la peinture, cette artiste y voit naturellement un prolongement de ses dessins à la manière d'un recentrement sur la réalité, qu'elle peint en détails et en couleurs. Des talons, des orteils, des sexes gonflés et des fruits jonchent les murs de l'exposition, alternant entre les gros plans à la peinture épaisse, superposée et les nature mortes où pommes et les pêches se confondent en seins, en fesses.

 

Le corps décomplexé

Ina Van Zyl pose son regard sur les parties mal-aimées de notre anatomie, ces membres que chacun délaisse et juge indigne de représentation ou même d'évocation. Ses toiles livrent la parcelle corporelle avec une couche de peinture non négligeable, épidermique appelant dans notre mémoire les oeuvres de Francis Bacon et ses chairs violacées.
L'érotisme est bel et bien l'élément central dans la peinture que livre Ina Van Zyl, en s'immisçant dans la rondeur d'une pomme, inspirant alors la volupté, celle-là même qui nous fait hésiter quant à savoir s'il s'agit d'un fruit ou d'un sein. Tout participe au velouté de la peau et à sa chaleur, ainsi dans Schaamhaar (2005) où un sexe féminin s'affirme avec une pilosité aussi vraie que nature, l'artiste ayant pris soin de lui rendre une texture quasi palpable.
Ina Van Zyl mélange les genres et les sujets, en plaçant ses toiles d'intimité au même rang que les natures mortes hollandaises.

 

Le portrait selon Van Zyl

Des identités surgissent cependant parfois dans l'exposition, l'artiste se représentant elle-même, frontale, les yeux fixant le spectateur. Plus loin, une sorte de portrait d'attitudes et de gestuelles se profile. To Smoke (2005) semble raconter, à travers une simple main tenant une cigarette, les états psychologiques de celui ou celle qui l'a fume. Les doigts s'enchevêtrent, les ongles s'affinent pendant que fume le bâton blanc, symbole d'un temps extensible.
Et si l'oeuvre toute entière de Van Zyl n'était qu'une série de portraits dédiée au corps et à ses affres? Le corps semble en effet être celui qui prend véritablement la parole dans cette exposition, où la peinture remplace avec brio et pour un temps, les couches et autres superpositions que sont les vêtements.

 

 

Agathe Hoffmann - 02/2007

Jusqu'au 18 mars 2007.
Institut Néerlandais
121, rue de Lille
Paris 7ème
Du mardi au dimanche de 13h à 19h.