Incarnations

Avec Ai Weiwei, une génération d'artistes chinois critiques du système.

Ai Weiwei est bien sûr l'artiste chinois contemporain le plus connu en Occident, notamment à travers sa critique frontale des pouvoirs chinois. Mais il n'est pas un héros solitaire, c'est ce que nous révèle l'exposition Incarnations à la galerie Paris Beijing. Deux générations d'artistes s'y côtoient, ayant en commun d'explorer les possibilités de la performance liée à la photographie et au body art. Ces artistes, malgré des différences d’âge et d’expérience,partagent une même approche de l’art en tant qu’acte de création où leur corps et leur être sont impliqués dans un processus de réflexion sur la société contemporaine. L’incarnation est la représentation concrète d’une idée ou d’une notion abstraite dans des traits humains, d'où le titre de l'exposition où la portée sociopolitique et militante des performances des artistes est claire, voire très explicite.

Zhang Huan, Zhu Ming et Cang Xin, représentants de la première génération d’artistes performeurs du village pékinois de Yuanmingyuan, révèlent une critique franche mais subtile du pouvoir à travers des actions artistiques remplies de symbolisme, de métaphores et de poésie. Ces artistes conçoivent la performance comme une pratique rituelle où les éléments naturels tels que la terre, l’eau, l’air et le feu jouent un rôle primordial.

Liu Bolin, Li Wei et Hei Yue, issus de la plus jeune génération, poussent cette tradition engagée de la photo-performance chinoise contemporaine plus loin, jusqu’à utiliser leurs propres corps comme outil de langage et d’expression directe. Le corps n’incarne plus seulement un concept, une idée ou un idéal, mais aussi une sensation, un sentiment, une révolte. Liu Bolin, dans ses célèbres images de la série Hiding in the City, met en scène l’effacement de sa silhouette et de son identité dans des lieux chargés de sens.

Li Wei, dans la série Falls, est poussé du haut d’un gratte-ciel  un geste symbolique de la course souvent aveugle à la réussite économique et sociale. Hei Yue,dans la série …123…, se fait photographier face à des policiers et montre ses fesses nues au public, en signe de rébellion (faussement) naïve.

Incarnations
montre ainsi, pour ceux qui en doutaient, que la Chine n'est pas qu'une redoutable machine économique, que l'art et la réflexion critique y sont aussi présents que chez nous malgré les tentatives d'étouffement du pouvoir. Une  démonstration à déguster jusqu'au 28 avril 2012 à la galerie Paris Beijing à Paris.

Clémentine Gaspard, mars 2012