Jean Lurçat

Poète, peintre, grand rénovateur de l’art de la tapisserie en France, Jean Lurçat était surtout un artiste engagé.

L’engagement est la notion qui éclaire le parcours de Jean Lurçat : peintre reconnu dans le monde de l’Art déco des années 20, il décide après la Crise de 1929 de se consacrer à l’art mural, un art tourné vers la société qui trouve selon lui sa plus haute expression dans la tapisserie. Il y gagnera sa célébrité.

Dès 1932, Jean Lurçat collabore avec la Manufacture de Beauvais puis celle des Gobelins, réalisant des chefs d’œuvre comme Les Illusions d’Icare (1938), mobilier et textiles destinés à l’ambassade de France à Moscou. Parallèlement, il participe aux activités de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires et suit, avec Malraux et Aragon, les journées d’amitié pour l’Union Soviétique. En 1936, il part soutenir les Républicains durant la Guerre d’Espagne.

Les désaccords avec les artisans lissiers des Gobelins, rétifs à ses directives, conduisent Jean Lurçat à partir en 1939 soutenir les ateliers privés à Aubusson. Il compose les tentures des Quatre Saisons et donne à tisser une vingtaine de cartons aux ateliers aubussonnais. Signe de son engagement dans la Résistance, il y fait aussi tisser les tapisseries Liberté (poème d’Eluard) et Es La Verdad (poème d’Apollinaire) dès 1942, thèmes qui se prolongeront dans plusieurs tapisseries d’après-guerre. Les années 50 voient Jean Lurçat étendre son talent à la céramique et à la mosaïque, notamment à l’église de Maubeuge et à la Maison de la Radio à Strasbourg.

Poète lui-même, Jean Lurçat réinvente en une vision poétique et symbolique du monde le vocabulaire fantastique médiéval qu’il a découvert avec la tapisserie de l’Apocalypse au château d’Angers : animaux fantastiques et personnages hybrides fourmillent dans ses tapisseries. Renouant avec la tradition ancienne des bestiaires, il conçoit ceux-ci comme de véritables poèmes tissés.

Les thèmes du voyage et de l’espace illuminent aussi ses œuvres d’astres éclatants ou de monuments sublimés tels la colonne Trajan de Rome ou la tour Eiffel de Paris (1958-960). Une force vitale se dégage de ce feu d’artifice : Jean Lurçat, cet homme engagé, nous livre un véritable plaidoyer pour la joie de vivre, à retrouver à la galerie des Gobelins à Paris jusqu’au 18 septembre 2016.

Clémentine Gaspard, juin 2016