Kollektsia+

L’art non-officiel de l’Union Soviétique et de la Russie depuis les années 50.

Même si vous avez déjà visité "Kollektsia", retournez-y ! Le Centre Pompidou de Paris a en effet rajouté à l’exposition le 27 février une centaine d’oeuvres supplémentaires qui rejoindront par la suite ses collections permanentes. "Kollektsia+", c’est son nouveau nom, présente ainsi jusqu’au 2 avril 2017 quelque 350 oeuvres représentatives de l’art contemporain en Russie.

Utopique, conceptuel, reposant beaucoup sur la performance, cet art contemporain ne vit pas au rythme occidental. Les conditions de son élaboration y sont évidemment pour beaucoup. L’Union Soviétique était un pays fermé et policier, les moyens de créer étaient limités pour les dissidents : de quoi favoriser effectivement les performances et l’art conceptuel, plus difficilement détectables ou empêchables par les autorités. Dans la Russie libérale des années 90, c’est plutôt le manque de moyens qui gêne les créateurs, ainsi que leur manque de relais à l’étranger.

On découvre ainsi le « sots art », pendant soviétique du pop art, qui moque à la fois la société de consommation et l’ « homme nouveau socialiste» vanté par la propagande en URSS. Vitaly Komar et Alexander Melamid imaginent ainsi dans les années 70 une série de « super-objets pour super-personnes » aussi loufoques qu’inutiles. Cette veine perdure en Russie actuelle, avec par exemple les performances photographiées du collectif Blue Noses : police, Eglise orthodoxe, rien n’échappe à leur humour absurde.

Kollektsia+ met à juste titre l’accent sur Dmitri Prigov (1940-2007) avec deux salles consacrées à cet artiste non-conformiste, « inclassable » selon le commissaire (et conservateur du musée) Nicolas Liucci-Goutnikov. Armé de ses seuls crayons, feutres et machine à écrire, Dmitri Prigov joue avec lettres et formes de manière très simple, graphique et poétique à la fois. Il se révèle aussi un peintre et illustrateur inspiré, proche de l’art brut. Et ses installations à base d’exemplaires du journal Pravda sont compréhensibles même pour ceux qui ne parlent pas russe…

Moins prisée que la classique collection Chtchoukine à la fondation Vuitton, Kollektsia+ est pourtant une découverte, une vraie, celle d’un continent artistique inconnu.

Clémentine Gaspard, mars 2017