Liu Bolin

Spécialiste des photo-performances, Liu Bolin engage son art au service de la liberté.

On connait Liu Bolin par son art du camouflage, sa façon de s’inscrire - et s’effacer - dans un paysage. Ses dernières créations, réalisées tout à tour à Paris et en Chine, et  à voir à la galerie Paris-Beijing à Paris jusqu’au 2 mai 2015, montrent une palette plus étendue, mais toujours au service de la même cause.

La nouvelle série Target – Chinese Fans est composée d’oeuvres complexes et très poétiques. Il y a dans ces oeuvres une superposition des courants artistiques et philosophiques d’Orient et d’Occident: de nombreux figurants posent en imitant les postures typiques de certaines peintures de la Renaissance et, grâce au body painting que Liu Bolin pratique sur leur corps, ils créent des paysages chinois traditionnels qui rappellent les Shanshui sur les éventails d’époque Yuan ou Ming. Ces deux langages artistiques si éloignés se fondent pour représenter la rencontre de deux grandes traditions de pensée : le concept humaniste de l’homme au centre du monde et la recherche taoïste de l’harmonie entre l'homme et la nature.

Les oeuvres Pharmacy, Meat Factory (Paris, 2012) et Cancer Village (Chine, 2014) représentent une réflexion perçante des conséquences de certaines industries sur l’environnement et sur notre santé. Dans Cancer Village, Liu Bolin a demandé à des habitants d’un village hautement pollué de la province du Shandong de poser dans un champ de blé pour y disparaître. À l’horizon on reconnaît l’usine chimique coupable des maladies qui atteignent leurs vies.

Avec Hiding in the City – Wall, réalisée à Paris en 2013, en collaboration avec l’artiste Rero, le mur ayant servi de fond pour le camouflage de Liu Bolin est un extrait de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme au sujet de la liberté d‘expression. Les mots de l'extrait sont rayés d’une ligne, selon la marque de l’artiste français.

La sculpture Fist, oeuvre en acier de plus d’un mètre d’hauteur, avait été installé sur le parvis du Grand Palais en sa version monumentale. La sculpture représente le poing gauche de l’artiste gravé du slogan de propagande actuel de la ville de Pékin, le Beijing Spirit : «Patriotisme, Innovation, Intégration et Vertu». Ce poing, tourné vers le bas, s’oppose au symbole révolutionnaire du poing dressé vers le ciel et signifie la fin d’une époque.

Et en filigrane de toutes ces œuvres : la liberté de penser par soi-même et de s’exprimer avec son propre langage sans plus se résigner ou craindre la force persuasive de la propagande, ni l’obscurantisme de la censure.

Clémentine Gaspard, avril 2015