Norbert Wagenbrett

Auteur de portraits critiques et contextualisés, Norbert Wagenbrett, peintre issu de l’Ecole de Leipzig, s’inspire du visage de l’Allemagne de l’Est pour y dévoiler les relations de ses habitants. Laissant apparaître les origines sociales derrière ses modèles, il organise ainsi au sein de la galerie Alain Blondel, un panel de citadins où l’Histoire et la politique ne sont pas ignorées.  

Devant la trame de leurs métiers, passions ou vices, les modèles saisis par Wagenbrett observent le spectateur sans honte et avec aplomb. Puppenverkaufer  - Le Vendeur de poupées (1997) représente un homme au regard absent, au corps passif, attendant le client ou l’heure de la fermeture de son magasin. Aucune des poupées derrière lui ne se ressemblent, comme s’il ne s’agissait que de fins de séries invendues. Le peintre pose ainsi son interprétation de l’homme à la façon d’Otto Dix ou encore de George Grosz, marquant avec insistance les rides, les veines et autres traces du temps et des états psychologiques. Une redondance s’inscrit dans chacune des toiles de l’artiste, celle des yeux décalés, déformés ou globuleux, comme si les modèles se voyaient à travers les leurs, avec dureté et exigence. D’hommes et de femmes, ils basculent alors aisément dans le champ de créatures étranges, à l’humanité fragilisée par l’histoire de leur région. Le spectateur entre littéralement dans le passé de chaque modèle, lisant sur leurs faces l’absence constante de sourire. Mais Wagenbrett semble cependant s’être interdit de peindre des portraits avilissants ou pathétiques. Car même si l’euphorie ne baigne pas ses toiles, une certaine vitalité s’en dégage, sous-jacente et intense. Les types sociaux se succèdent, se limitant aux représentations de l’individu, comme dans In der Strassenbahn, où le spectateur peut discerner derrière les passagers assis dans un tramway, une affiche de lingerie qui garde, elle, son aspect réaliste et modélisant. Analyste minutieux des codes et des styles vestimentaires, Wagenbrett parvient à créer des groupes, des archétypes de chaque couche sociale ou âge, sans glisser dans la caricature. Cette déformation visuelle pour évoquer un statut peut rappeler la démarche du plasticien Ron Mueck, qui donne naissance à des corps humains démesurés ou miniatures, leur conférant une puissance évocatrice des ressentis humains. Comparables à des miroirs déformants, les peintures de Norbert Wagenbrett permettent également une interaction entre les modèles et le spectateur. Ainsi, les représentés semblent convoquer le public occidental de l’Ouest, la peinture n’étant que la barrière à franchir pour comprendre les passés de chacun.

Contemporain de Julien Beneyton, qui peint les identités des bas fonds de l’Amérique et du métro parisien, Norbert Wagenbrett ranime les souvenirs d’une Allemagne douloureuse, encore en cicatrisation, pour mieux la relier à ceux qui la méconnaissent. L’occasion d’approfondir la relation franco-allemande sous un autre jour que celui des coopérations économiques…

Agathe Hoffmann - 01/2007

Jusqu'au 13 Janvier 2007.
Galerie Alain Blondel, 128 rue Vieille du Temple, Paris 3ème.
Du mardi au vendredi de 11h à 19h et le samedi de 14h à 19h.