Wim Delvoye

Le célèbre plasticien envahit le Louvre de ses sculptures.

La mode est à la confrontation art ancien et art contemporain. Nous avons déjà eu droit par exemple à l’esthétique manga  de Takashi Murakami, statues de résine et couleurs acidulées, au milieu des grands salons de Versailles à l’automne 2010. Avec un vrai succès tant auprès du public que de l’establishment artistique. Ce qui n’empêche pas  Wim Delvoye d’y voir lucidement  un symptôme du désintérêt croissant pour l’art ancien, « qui se met à genoux devant l’art contemporain, c’est le monde à l’envers... »

Né en 1965, résidant à Gand (Belgique), Wim Delvoye s’est fait connaître et a suscité la controverse  avec Cloaca (2000), une machine reproduisant le système digestif… et produisant donc des excréments. Autre œuvre qui a frappé les esprits : des cochons tatoués. Et Wim Delvoye a toujours gardé cette habitude de mêler trivial et sublime, depuis ses vitraux commencés dès la fin des années 80 dont les motifs sont « radiologiques », reproduisent des radios de corps humains, y compris d’amis faisant l’amour. Mais il considère aussi qu’un artiste doit changer, au risque de dérouter ses admirateurs. Ces dernières années, Wim Delvoye s’est intéressé à l’art gothique et néo-gothique, en réalisant bâtiments (Chapelle), formes industrielles (camions) ou organiques (Nautilus) en dentelle d’acier aux motifs gothiques.  Il travaille aussi sur la torsion, le dédoublement de la réalité, en reprenant des œuvres existantes pour les reproduire tordues, dédoublées, un «  Rorschach » en analogie avec les taches du célèbre psychologue. Un travail effectué dans son atelier en scannant l’objet puis en le tordant avec un logiciel 3D développé en interne ces dernières années.

L’exposition, sous la Pyramide de verre et  dans des salons 2ème empire au Louvre dédiés aux objets décoratifs, jusqu’au  17 septembre 2012, reprend ces œuvres et beaucoup d’autres représentatives de son parcours. Wim Delvoye a un temps envisagé de recouvrir la Pyramide de Pei  d’une sorte de dôme, se réjouissant à l’avance de la nouvelle polémique que cela aurait suscité 20 ans après celle due à l’érection de la pyramide elle-même, avant d’y renoncer pour des raisons pratiques. Et il a  voulu au contraire « jouer le caméléon » dans les salons intérieurs du musée, réalisant plusieurs oeuvres « dédoublées » ou « twistées » à partir de pièces déjà présentes, confrontant de manière très inspirante, mais sans choquer nullement,  ses créations à celles de ses prédécesseurs.

Wim Delvoye a accepté d’installer ses œuvres au Louvre parce qu’il veut aller au-delà du monde de l’art contemporain, convaincre un public plus large que les seuls spécialistes d’art. Car le défi qu’il se fixe maintenant est de « devenir nouveau, ne pas répéter le XXème siècle » dont il n’aime pas le minimalisme et qu’il considère comme « l’automne de notre culture ». Il cherche de nouvelles façons de travailler, un nouveau rôle pour l’artiste qui redeviendrait polyvalent comme l’était Leonard de Vinci, grâce au numérique, aux capacités décuplées qu’offre l’ordinateur.

A titre d’exemple, Wim Delvoye cite sa Chapelle, ouvrage de 3m de long sur 2m de haut, en dentelle d’acier aux motifs gothiques,  qui trône pendant l’exposition dans la salle Anne de Bretagne au Louvre. Un travail autant d’architecture que de sculpture et d’orfèvrerie du métal. Wim Delvoye poursuit actuellement dans cette voie avec la conception d’un grand bâtiment, comme une cathédrale ou un Mont Saint-Michel. L’ouvrage verra-t-il le jour ? Wim Delvoye ne le sait pas lui-même, mais qu’importe, « l’important est de ne pas se prendre pour un artiste, de recommencer et se renouveler  chaque jour »

Paul Schmitt, mai 2012

Pour aller plus loin:

> Le catalogue de l'exposition, Wim Delvoye "Au Louvre"
96 pages, 25€, coédition Fonds Mercator/musée du Louvre

> La monographie Wim Delvoye, Introspective, 384 pages, 370 illustrations, 69,95€, Fonds Mercator