Editer le design
Présentée dès la réouverture du Musée des Arts Décoratifs, l’exposition Editer le design questionne à travers deux volets la création d’objets : du mobilier à l’ustensile quotidien. Pour un pour tous, l’édition en question retrace astucieusement l’histoire des objets privés et publics, tandis que Danese, editeur de design à Milan 1957-1991 dresse le portrait de cette maison d’édition révolutionnaire, attachée au respect de l’identité de chaque designer.
Disposée le long de la nef de Musée des Arts Décoratifs, Editer le design, Pour un pour tous, l’édition en question permet la découverte des processus de création d’objets rencontrés par plusieurs générations. Ainsi le visiteur pénètre au cœur du développement de l’objet, dont l’évolution à travers les années surprend et génère inévitablement la nostalgie. Qui n’a jamais découvert son âge au fond d’un verre Duralex ? Lancé en 1946 par Saint- Gobain, ce récipient gigogne allie solidité et sens pratique, en s’inspirant de la citation latine Dura lex sed lex, traduite par « La loi est dure mais c’est la loi ». Plus évasé aujourd’hui, le verre Duralex a subi diverses modifications, amenant pourtant au constat d’un design intemporel, où la première forme est souvent la meilleure. Croisée plus rarement, prix oblige, la célèbre chaise longue de Pierre Jeanneret, Le Corbusier et Charlotte Perriand, créée en 1928, s’expose, tantôt nue structure apparente, tantôt recouverte de cuir et de fourrure. Inchangée depuis sa création, elle permet d’observer le design comme le reflet de l’humanité, la morphologie restant la même, c’est à l’enveloppe de se muer. Ainsi la chaise longue est aujourd’hui plus épurée, toute de noir vêtue, inconditionnellement moderne. La même constance se retrouve à la vue de la chaise d’écolier, dessinée dans les années 1940. A l’origine constituée de bois et d’acier brut, elle retrouve, à l’aube du XXIème siècle, les mêmes lignes et le même dossier mais actualisé, une fois encore, par l’uniformisation chromatique contemporaine : elle s’habille de noir. Régi par les contraintes économiques et spatiales, le design se dévoile indémodable mais aussi permissif, à l’image de la Maison d’édition Danese, née en 1957 de l’amitié de Jacqueline Vodoz et Bruno Danese.
Danese, le design italien d'avant-garde
Le design s’affranchit ici des idées reçues, livrant au visiteur une véritable collection d’objets, plus que jamais proches de l’œuvre d’art. Epicentre du design transalpin, Danese traduit dès son logotype un souci de recherche et d’originalité. Du pictogramme au vase double, l’efficacité flirte élégamment avec l’audace. Essentiellement dédié au bureau et à son organisation, le design d’Enzo Mari – l’un des designers mentor de la maison – joue avec les formes et les fonctions mêmes des objets. Tongareva (1969), sous ses allures de petit animal hybride, n’est autre qu’une jatte pour aliments. D’une simplicité déconcertante, sa structure percée de deux orifices - inspirée de la boule de bowling – permet une prise en main stable et humoristique. Le coupe-papier Giglio (1961) reflète lui aussi une ingéniosité imparable, puisque constitué d’un seul morceau de métal, replié sur lui-même à la manière d’un ruban. Mais Danese ne s’est pas limité au monde austère des bureaux en s’adressant aussi à l’univers onirique des enfants. Du kit de pièces à constructions pour adultes, Enzo Mari s’est tourné vers le jeu dans toute sa globalité, notamment avec Le Jeu des Fables (1971). Réalisé à partir de simples cartes rectangulaires fendues en divers points, ce jeu permet à l’enfant d’inventer ses propres contes et histoires et cela à l’infini. Offrant un parcours parsemé de plus de 200 objets, prototypes, Editer le design permet de constater que le design est une espèce mutante, s’adaptant de manière autonome à l’époque dans laquelle il lui est imposé de vivre, mais qui n’oublie ni pourquoi il est été créé, ni quand.