Loi Hadopi : Serge Eyrolles

Que pensez-vous de la loi Hadopi ?
Réponse de Serge Eyrolles, éditeur et Président du Syndicat national de l'édition.

"Les éditeurs français entendent bien ne pas se laisser faire face à l’appétit des sociétés américaines qui numérisent à tout va…

La loi Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) promulguée et publiée au Journal officiel du 13 juin ne retient que le volet pédagogique, l’aspect dissuasif, l’envoi de courriels et de lettres recommandées d’avertissement. Un nouveau projet de loi complémentaire sera présenté, le 1er juillet, en conseil des ministres, puis, en juillet, au Parlement. Les éditeurs de livres ne sont pas d’accord et entendent le faire savoir par le texte suivant dont voici les principaux extraits.

« Le récent avis du Conseil constitutionnel sur la loi Hadopi consacre finalement la victoire des géants de l’Internet sur les créateurs culturels. L’accès à Internet fait désormais partie du droit fondamental à la liberté d’expression et de communication. Selon ce nouveau principe, Internet et tous les médias et moyens de communication devraient être d’accès gratuit. Or, ils ne le sont pas. En même temps, en rendant pratiquement impossible la lutte contre le piratage, les contenus culturels vont pouvoir être pillés et accessibles gratuitement. N’y a-t-il pas là une régression démocratique à refuser de rémunérer le travail intellectuel, l’œuvre de l’esprit, alors qu’on accepte de payer pour des biens matériels ou des services ?

La gratuité des contenus numériques – presse, musique, films, livres – est le miroir aux alouettes, l’appât destiné à attirer les internautes et à servir les intérêts des fournisseurs d’accès, qui se font passer pour les champions de la liberté d’expression. […] Ne devenons pas l’apprenti-sorcier qui se laisse déborder par ses outils. Car, loin d’être liberticides, les droits d’auteur sont garants de l’indépendance et de la diversité de la création littéraire et artistique.

Dans l’économie numérique des contenus culturels et en particulier du livre, il doit y avoir place pour deux secteurs : un secteur gratuit, celui des œuvres tombées dans le domaine public ; et un secteur marchand, celui des ouvrages sous droits d’auteur. Sinon, comment financer la création ?
Dans ce contexte, les auteurs et éditeurs restent confrontés à Google, qui a numérisé sans autorisation des millions de livres et continue de le faire. Des choix devront être faits d’ici à l’automne par rapport au règlement passé entre Google, les éditeurs américains et les auteurs américains en octobre 2008. Le SNE s’élève avec force contre le fait que le règlement Google engage les ayants-droit français, alors qu’ils n’étaient ni présents ni représentés lors des négociations. […]

À l’heure où les éditeurs français investissent avec détermination dans la numérisation de leurs ouvrages (…), le coup de force de Google (…) doit être dénoncé avec la plus grande fermeté. Ce n’est pas en laissant une société privée commerciale américaine prendre une position dominante en matière de livre numérique que l’on favorisera à terme la diffusion de la pensée et de la littérature françaises et européennes. »

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> Avril Dunoyer (cinéaste) et Jean-Jacques Tachdjian (La Chienne)
> Marie-Noëlle Bayard, trésorière de la SAIF