Calligraphie japonaise, Sho1

Une initiation à la calligraphie japonaise en compagnie de 41 maîtres contemporains exposés au musée Guimet.

La calligraphie au même titre que la peinture est considérée au Japon comme un art « plastique ».
Des concours de calligraphie sont organisés chaque nouvelle année, témoignant encore aujourd’hui de la vivacité de cette pratique artistique au Japon. L’exposition SHO1 du musée des arts asiatiques Guimet, jusqu'au 14 mai 2012,  présente une sélection d’oeuvres représentatives de l’art de la calligraphie japonaise contemporaine et du concours organisé chaque année à Tokyo par la Fondation Mainichi Shodokai, émanation du Mainichi Shimbun, 3ème quotidien japonais (tirage journalier: 3 millions d'exemplaires...). Une occasion rêvée de mieux comprendre les fondamentaux de cet art.

 Apparu au Japon au VIe siècle, l’art de la calligraphie, profondément influencé dans sa forme et son expression par les modèles chinois, évolue vers un style vraiment japonais abouti au cours du Xe siècle. Exprimant l’élan vital de l’artiste, la création calligraphique s’est perpétuée jusqu’à notre époque et repose sur la formation au pinceau de signes plus ou moins lisibles composés de lignes et de points. Des concours de calligraphie sont organisés chaque nouvelle année, témoignant encore aujourd’hui de la vivacité de cette pratique artistique, présente quotidiennement au Japon.

Evoluant au gré de l’écriture, des réformes administratives ou encore des inventions (création du pinceau, du papier et de l’encre), la calligraphie japonaise se démarque des canons officiels et entre dans la classification des «Beaux-Arts», exerçant une double attraction : utilitaire et esthétique, baignée des pensées philosophiques confucéenne, taoiste et zen. Synonyme de raffinement et de civilisation, le Japon en fait une véritable voie d’accomplissement personnel et spirituel, le Shodô, étroitement lié à la philosophie zen et aux disciplines corrélées : la cérémonie du thé, la peinture, l’ikebana (art de la composition des fleurs) et aussi l’escrime japonaise (kendo) et autres arts de combat (budo)..

La transmission des symboles calligraphiques se fait par le truchement au pinceau sur le papier de signes noirs sur fond blanc, porteurs des notions féminines et masculines(Yin et Yang), dans un style inspiré de l’instant, au coeur d’une esthétique où l’ombre prime sur la lumière… Dans la calligraphie japonaise, le caractère est produit en un souffle qui dure quelques secondes sans retour possible L’exécution du geste nécessite une concentration de l’esprit extrême pour que le corps révèle toutes ses énergies afin de les faire converger à la pointe du pinceau. Le rythme de l’exécution qui confère son unité et sa beauté, reflète une personnalité, un état d’âme …

Calligraphie, mode d'emploi
En calligraphie, on fait courir le pinceau en réfléchissant au mouvement des caractères et des lignes et au développement du prochain caractère ou de la prochaine ligne.

Ressentir la beauté du trait et de la forme, le bon écoulement du pinceau, la bonne disposition des caractères tel est le message pour obtenir des oeuvres de qualité baignées d’ harmonie. Il n’y a pas de force inutile, ni de trait de pinceaux en trop.

Pour apprécier, il convient de regarder avec attention. Beaucoup de personnes pensent regarder, mais voient seulement et ne font que balayer du regard. Il faut progresser d’un pas et contempler longuement, jusqu’à découvrir la conscience esthétique tracée par le calligraphe. Bien suivre avec les yeux le mouvement du pinceau et saisir la structure de l’ensemble : ceci est important pour apprécier la résonance et l’équilibre dans la disposition des caractères,entre la part non écrite laissée en blanc et la part encrée, c’est-à-dire les caractères. En répétant ce geste plusieurs fois, l’on parvient à partager l’expérience de l’artiste. En se remémorant les divers moyens développés, les expressions et les conceptions esthétiques des calligraphes,l’’observation est essentielle de même qu’y prendre beaucoup de plaisir. (Hiroyuki Shimatani, Vice-directeur du Musée national de Tôkyô)


Les 4 trésors du calligraphe japonais
Le pinceau « fude » fabriqué avec des poils d’animaux (chèvre, cheval, blaireau...), permet d’avoir des pinceaux de différentes flexibilité ou dureté, pour pouvoir varier l’épaisseur du trait.

L’encre utilisée en calligraphie (« sumi ») est obtenue en mélangeant de la suie générée par du bois, généralement du pin, avec de la colle d’origine animale. Ce mélange est traditionnellement séché sous forme de bâtonnet solide (12x 4 x 2 cm) frotté au moment de son utilisation avec un peu d’eau, pour générer l’encre liquide. Cette préparation se fait juste avant la séance de calligraphie, moment de transition nécessaire à la préparation mentale de l’acte créatif...Une fois transformé en encre liquide, la pierre sur laquelle l’encre est frottée sert aussi de réservoir à encre. Il existe également de l’encre liquide (« bokuju ») plus pratique, mais les puristes préfèrent utiliser la méthode traditionnelle.

La pierre à encre « suzuri » fabriquée à partir d’une pierre sculptée -par exemple une ardoise-sert à la fois de support pour la préparation de l’encre et de réservoir.

Le papier « hansi » qui est utilisé en calligraphie est nettement plus fin que le papier courant, avec un côté absorbant, l’autre étant légèrement brillant. En complément, on utilise également un « bunchin » une sorte de barre métallique servant de poids pour tenir le papier, ainsi qu’une surface absorbante (« shitajiki »), comme de la feutrine, où poser le papier.

Un dernier élément important complète le nécessaire du calligraphe et scelle son oeuvre. Utilisé avec une pâte rouge vif, de forme carrée ou ronde, le sceau peut indiquer le nom de l’auteur, un pseudonyme ou retranscrire un court poème (motto). Selon sa finalité, il se placera à gauche des caractères calligraphiés pour un nom et / ou un pseudonyme,à droite pour les sceaux comportant un poème.


Les différents styles de calligraphie au Japon
Les calligraphies de caractères chinois, Kanji: Il s’agit de calligraphies écrites en plus de trois caractères chinois ou toutes oeuvres écrites à partir de poésies chinoises dans une écriture sigillaire, écriture des clercs, écriture cursive ou semi-cursive ou encore ’écriture régulière, dans un style original.

Les calligraphies de grands caractères, Daijisho: Il s’agit d’écrits comportant un ou deux caractères. Le charme du caractère est exprimé comme une forme d’art plastique avec une conscience forte des traits, de la couleur de l’encre, des espaces, etc. Ce genre est différent de l’ancienne expression kanji et correspond à un nouveau domaine de calligraphie.

La calligraphie en syllabaire japonais, Kana: Cette calligraphie se fonde sur un style né à l’époque de Heian (794-1185) au Japon. Les lignes de liaison (qui rattachent les caractères entre eux), l’écriture éparpillée (caractères éparpillés sur le papier), l’encre plus ou moins sèche et forte, permettent d’exprimer la beauté du tracé et des espaces blancs.

Calligraphie de la gravure sur sceau, Tenkoku:
L’oeuvre est imprimée sur le papier en apposant une pâte à sceau sur de la pierre ou du bois où a été gravée une écriture sigillaire inversée. Selon le mode de gravure, on trouve des caractères qui apparaissent « vermillon » (shubun) ou blancs (hakubun). Ces gravures sont réalisées dans un monde de quelques centimètres carrés, avec une conscience artistique très forte. Elles connaissent beaucoup de succès en tant que « fine fleur de l’art oriental ».

Poèmes modernes, Kindai Shibunsho:
Cette calligraphie prend pour matériau des poèmes ou des phrases japonaises. Par sa quête de l’harmonie entre les Kanji et les Kana (aussi bien hiragana que katakana), par sa lisibilité, ses formes diverses d’expression, elle est particulièrement bien perçue par un large public et bien représentée dans les expositions de ce type.

Caractères gravés, Kokuji:
Cette calligraphie est gravée sur du bambou ou du bois. En étant sculptée ainsi, contrairement à la calligraphie classique, l’écriture prend du relief. On trouve également des oeuvres colorées et étroitement liées à l’artisanat et à la sculpture.

La calligraphie d’avant-garde, Zen.ei:
Radicalement différente de la calligraphie exécutée jusqu’alors, et recevant également l’influence de la peinture abstraite occidentale, la calligraphie d’avant-garde cherche une expression libre et abstraite, sans s’attacher au caractère qui lui sert de matériau, en accordant une grande importance à l’image présente dans l’esprit de l’artiste. Cette  demeure à la pointe de l’art contemporain.

Clémentine Gaspard, à partir du dossier de presse du musée Guimet