Artistes juifs et romans graphiques au MAHJ

Après les questionnements artistiques de Gustave Kahn, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme (MAHJ) propose la première exposition française sur les artistes juifs de la bande dessinée des années 1930 à nos jours. De Superman au Chat du Rabbin rassemble ainsi les figures emblématiques de romans graphiques et de la BD, désormais incontournables.

 Comic strips et immigration

Véritable support de narration et de communication, la bande dessinée traduit depuis sa naissance les événements sociaux propres à chaque époque, avec décalage, humour ou nostalgie. En effet, si pour la plupart des lecteurs Superman est un extraterrestre dévoué à l’humanité, il est aussi le reflet d’une volonté de justice et d’égalité revendiqué par les artistes juifs Joe Shuster et Jerry Siegel en 1938. Liée au processus d’intégration de cette communauté au sein de la société américaine, la bande dessinée voit ainsi naître les personnages de super-héros, aux attributs métaphoriques propres aux juifs des années 1930 : double identité, difficulté d’insertion dans une autre culture. Le lien entre comics et judaïsme est aussi visible dans la mesure où les personnages de Batman de Bob Kane et Bill Finger, ou Captain America de Jack Kirby et Joe Simon s’apparentent à des figures proches de messies modernes, à l’instar de Moïse ou Samson, que Will Eisner s’amusera à parodier avec The Spirit, en 1940. Dés les années 1950, les artistes exorcisent le génocide juif en l’évoquant de manière commémorative et engagée, Harvey Kurtzman fonde à cet effet le magazine MAD, aidé d’Al Feldstein et de Bernard Krigstein qui publie, Master Race (un des travaux clefs de cette exposition), en 1955, un récit graphique dans lequel un rescapé des camps de la mort se retrouve face à son bourreau.
 

Sur les traces de l’ancienne génération

Influencés par les œuvres de Krigstein, Marcel Gotlib, auteur consacré pour ses Dingodossiers et ses Rubriques à brac et René Goscinny donnent naissance à Pilote en 1959. Humour provocateur et situations absurdes participent au succès des deux auteurs. Quelques dizaines d’années plus tard, le suédois Art Spiegelman, auteur underground, retrace la vie de ses parents dans Maus, une éminente bande dessinée en noir et blanc où les juifs sont représentés en souris, les polonais en cochons et les allemands en chats. Suivent alors les créations de l’italien Hugo Pratt, qui abordent, tout en mélange, la culture juive et des souvenirs infantiles, incarnés par le célèbre casquetté Corto Maltese. Dernier succès de la bande dessinée européenne : Joann Sfar, dont l’œuvre Le Chat du Rabbin, au graphisme faussement naïf et au ton délicieusement ironique achève d’établir sa notoriété en tant qu’auteur.

 

De Superman au Chat du Rabbin propose une approche originale de l’histoire juive et une nouvelle façon de revenir sur l’une des tragédies de l’humanité, sans pour autant négliger les pirouettes humoristiques, graphiques et langagières. Une leçon de dessin et un devoir de mémoire à ne pas rater.

 

Agathe Hoffmann - Novembre 2007

Jusqu'au 27 janvier.
De Superman au Chat du Rabbin
Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme à Paris.