Helmut Newton

Sulfureux, parfois choquant, Helmut Newton a changé notre regard sur le corps féminin.

Après l'exposition de ses polaroids à Berlin (ici) en 2011, la Fondation Helmut Newton et sa propre épouse June Newton ont organisé avec la RMN une première rétrospective de l'oeuvre globale de Helmut Newton. Ce qui n'est que justice, Helmut Newton ayant beaucoup vécu et travaillé en France.

Juif allemand, Helmut Neustädter nait à Berlin en 1920, y fait l'apprentissage de la photo (et de la vie) avant de fuir le nazisme avec sa mère en 1938. Singapour, puis l'Australie seront ses terres d'accueil: il s'engage dans l'armée australienne en 1942, devient citoyen australien en 1946 en anglicisant son nom en Helmut Newton et épouse en 1948 l'actrice australienne June Brunell dont il restera inséparable, y compris dans la vie professionnelle, jusqu'à sa mort en 2004. Entretemps, le couple regagne l'Europe dès 1957 et s'établit à Paris en 1961. Helmut Newton y devient un photographe de mode célèbre dès les années 60, notamment grâce à ses collaborations avec le magazine Vogue et son amitié avec Yves Saint Laurent.

En 1975, il commence à exposer ses travaux personnels, des photos de nus qui feront vite scandale: le terme de « porno-chic » est alors  inventé par la critique pour décrire son oeuvre et lui collera à la peau. Lui-même en rajoute au besoin: « J’adore la vulgarité. Je suis très attiré par le mauvais goût, plus excitant que le prétendu bon goût qui n’est que la normalisation du regard. Si le monde de l’art me rejette, je ne peux que dire : “Good luck to the world of art.” Si je cherche la vérité d’un point de vue, je ne vais pas me conformer à ce que l’art accepte ou non. Les mouvements sado-maso, par exemple, me paraissent toujours très intéressants ; j’ai en permanence dans le coffre de ma voiture des chaînes et des menottes, non pas pour moi mais pour mes photos. » (conférence de presse, 1984)

Il poursuit ses recherches avec ses séries « Grands Nus » et « Habillé/Déshabillé » dans les années 80. Les femmes qu'il met en scène y sont altières dans leur nudité, presque masculines, sculpturales.
«  Helmut Newton n’est pas le photographe de la jouissance, ni celui des jeunes filles vaporeuses traversées par les premiers émois de la volupté, explique Pascal Bruckner. Ses personnages sont toujours dynamiques, face à nous ou sur le point de se lever : les femmes sont longilignes, minces, athlétiques, malgré les rondeurs. Ces Vénus maigres, même couchées, semblent prêtes à bondir, leurs membres sont tendus, ce sont des guerrières. »

 D'autres photos sont plus subversives, la mise en scène sado-maso, la fascination du bordel lui permettent de relever les rapports sociaux des mondes qu’il fréquentait : la mode, le luxe, l’argent, le pouvoir. Helmut Newton n’a cessé de se libérer de toute contrainte imposée, alors même qu’il travaillait le plus souvent dans un cadre de « photographie appliquée » à la mode et aux portraits: « J’aime et recherche les réactions. Je n’aime ni la gentillesse ni la douceur. La volonté de provocation ne répond pas au désir de provoquer, mais certains sujets me sont nécessaires afin de créer de nouveaux effets photographiques, de nouvelles tensions visuelles qu’ils m’autorisent. La seule provocation que je déteste est celle de l’image surréaliste. Elle n’a pas sa place dans mon univers. » (conférence de presse, 1984)

Un grand de la photo à voir dans ses oeuvres au Grand Palais à Paris jusqu'au 17 juin 2012.

Paul Schmitt, mars 2012

 

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