Maleonn
Le photographe chinois Maleonn s’appuie sur un univers intérieur théâtral et onirique pour mieux dépeindre la Chine d’aujourd’hui.
Les photographies de Maleonn sont de véritables contes faits de multiples curiosités. Alliant costumes de théâtre ancien, accessoires loufoques et étonnants, mises en scène théâtrales, il nous entraine dans une fable et nous raconte avec poésie l’histoire et la culture de la société chinoise. Son univers est foisonnant, à la fois ludique et complexe, il révèle les multiples facettes de la Chine actuelle partagée entre ses traditions et sa détermination à construire l’avenir. Ces dernières années, Maleonn a voyagé à travers la Chine toute entière, pendant plus d’un an. Un périple pour lequel il a créé de toute pièce un studio de photographie au sein d’un camion afin de le rendre mobile et itinérant, photographiant des centaines de gens dans quelque 55 villes!
Maleonn crée ainsi des décors de toute pièce à la façon des photographies d’antan,. Il peint des paysages d’arrière-plan, il crée des maquettes – un avion, une moto – et il permet à ses modèles de choisir parmi les vêtements qu’il met à leur disposition pour réaliser « les portraits de ce qu'ils aiment ou de ce dont ils ont toujours rêvé mais qu’ils n’ont jamais eu l’occasion de posséder ». Il offre ainsi à tous ces gens venus se faire photographier une vision d’eux-mêmes idéalisée et rêvée.
Ma Liang, surnommé Maleonn, est né en 1972 à Shanghai, en pleine Révolution Culturelle. Il est dès son plus jeune âge brutalement arraché à une mère, célèbre actrice et à un père, directeur artistique renommé. L’enfant se replie sur lui-même et commence à développer un univers psychologique salvateur qui sera déterminant dans sa production artistique ultérieure. Dès l’âge de 12 ans, il entre à la Shanghai Huashan Art School et termine sa formation avec brio en 1995 par un graduat au Fine Art College of Shanghai University, qui le voit également récompensé par un prix en Graphic Design. Maleonn devient directeur artistique et commence en 1995 à produire ses propres courts-métrages, lesquels sont vite reconnus et diffusés. Dès 2004, il s’engage dans l’Independent Creation of Art, groupement d’artistes majeurs de Shanghai, ville où il continue à vivre et à travailler.
Maleonn revendique une simplicité naïve et innocente en opposition à un monde chaotique engendré par la prospérité du capitalisme dont Shanghai, ville chinoise la plus occidentalisée, est témoin. Ses oeuvres présentent souvent une intensité dramatique contrebalancée à chaque fois par une touche ironique ou un élément perturbateur, qui viendrait se greffer au cadre usuel et familier. Les mises en scène sont théâtrales, en référence aux métiers de ses parents, et tous les costumes sont conçus par Maleonn lui-même. Les prises de vues sont réelles et modifiées numériquement par la suite. Certaines images sont également tirées de ses courts métrages.
L’oeuvre de Maleonn est un reflet de son passé, de son enfance, une synthèse harmonieuse entre des éléments affectifs et une contemporanéité saisissante. Son art est fétichiste. Adorateur des objets contemporains usuels tels que vêtements, clés, montres ou autres accessoires de cirque, Maleonn les dote tous d’une portée symbolique. Ainsi le masque blanc est avant tout symbole du simulacre, du rempart de « l’enfant intérieur » en opposition avec une société contemporaine dont les caractéristiques sont l’anonymat et la dépersonnalisation.
Dans New Series exposée à l’Espace Art 22 à Bruxelles en mai 2011, les environnements choisis lors des prises de vues ne sont pas choisis innocemment mais bien pour leur charge historique : quartiers désaffectés du Vieux Shanghai, ou anciens zonings industriels interdits à la circulation.
Après la révélation de Studio Mobileen 2013, la galerie Magda Danysz à Paris revient sur cette oeuvre foisonnante, jusqu'au 27 février 2016. Maintenant célèbre et reconnu y compris dans son propre pays, Maleonn continue d'explorer la Chine d'aujourd'hui, celle qui conjugue modernité à l'occidentale et tradition. Une Chine diverse à laquelle il offre son univers imaginaire comme un écrin pour mieux la mettre en valeur
Clémentine Gaspard, mai 2011, juillet 2013 & février 2016