Nacho López
Dressant le portrait du Mexico des années 50 à travers celui de ses habitants, Nacho Lopez aborde la photographie journalistique avec humanité et politique. Révélant au spectateur, l’autre visage du Mexique, celui trop souvent dissimulé derrière l’archétypal sombrero…
Investissant l’Institut du Mexique à Paris, Nacho Lopez retrace l’histoire sociale et politique de son pays. Il dresse le portrait en noir et blanc d’un peuple rayonnant, pour qui le tragique frôle l’absurde et la cocasserie. Nacho Lopez, tel un Doisneau mexicain, place l’homme au centre de son travail, s’immisçant dans le cadre intime de familles, ou d’espaces clos, tels que les prisons. L’exposition Miracles et révélations, est l’opportunité de redécouvrir un artiste novateur situé au cœur de l’une des périodes prolifiques de ce pays, évoquée sous l’expression du miracle mexicain. Choisissant lui-même ses sujets, chose rare dans le photojournalisme mexicain, Nacho Lopez renforce avec pudeur l’humanité des habitants de Mexico, en exposant les situations variées et facétieuses d’une société plutôt méconnue. Les visages, tantôt révoltés, tantôt jovials ou abattus fixent le visiteur de cette exposition inondée d’un rouge acerbe, où les portraits furtifs en observent d’autres insérés dans les coupures de journaux. Photographiée en 1950, La rue lit, Mexico concentre toute l’âme de la société mexicaine.
Baigné d’une lumière solaire, l’homme que Nacho Lopez photographie échappe à l’objectif. Son regard traverse le morceau de journal qu’il semble avoir ramassé. Sa main posée sur le menton, il semble absorbé, oubliant l’appareil photographique. Nacho Lopez fait du modèle une icône. « Nacho Lopez nous situe dans un Mexique éternel » affirme Fernando Benitez. L’humour et l’ingéniosité des mexicains rythment les tirages du photographe, dont on imagine parfaitement les vraies couleurs, tant la vie possède l’image (Un jour quelconque dans la vie de la ville, 1958). L’effroi vient glacer le sang lorsque l’œil s’approche des tirages tels que Répression du mouvement Henriquista, Mexico, 7 juillet 1951. Outre la société, Nacho Lopez observe également le monde du spectacle, qu’il dépeint avec admiration et ludisme.
Les Dolly Sisters (1950) - exemple probant - sont saisies sur le vif dans leur loge, souriantes et cambrées face au spectateur. Cette photographie issue d’une série de couples divers, fait ressortir une fois encore la clairvoyance de Nacho Lopez face au statut de la femme, ainsi dans La Vénus est partie faire la noce dans les bas quartiers, Mexico (1953). Entiché d’un mannequin féminin à la nudité équivoque, un acteur déambule dans les rues de Mexico, laissant les passants pantois. Nacho Lopez perce à jour une certaine société et les rapports entre les deux sexes. Comparable à Walker Evans et André Kertész, Nacho Lopez fait partie de ces artistes dont le nom est trop peu souvent prononcé et dont la démarche à la fois anthropologique et politique rythme les photographies, comme une rengaine subtile et indéniablement légitimée par la vision du réel.