Ruud Van Empel
Créateur d’atmosphères fraîches et verdoyantes, Ruud Van Empel marie avec subtilité les sujets de ses photographies avec les espaces dans lesquels il les plonge. Nées d’un véritable processus créatif alliant collage, prise de vue et retouche photographique, les œuvres de cet artiste hollandais incitent le spectateur à s’abandonner et à contempler les traces d’un voyage improbable dans les pays les plus lointains.
A première vue, Ruud Van Empel semble créer de simples images, que l’on pourrait croire de synthèse, mais ce serait sous-estimer les étapes préalables de son travail. En effet, l’artiste multiplie les techniques afin d’obtenir un résultat photographique très pictural. Ses précédentes séries, The office et Study for women (1995-2000) s’appuient, pour la première, principalement sur le mouvement Dada et le Pop’art, le sujet se laissant absorber par un environnement incongru. La deuxième série annonce les œuvres actuellement exposées à la galerie Rabouan Moussion, s’inspirant d’artistes tels que le peintre américain Edward Hopper, ou le très emphatique duo de photographes : Pierre et Gilles. Ainsi, Moon/Vénus ou encore Baby s’élèvent comme de curieuses icônes, mêlant l’irréel à une nouvelle forme de mythologie. Ruud Van Empel capture les végétaux, les animaux ainsi que les sujets centraux de ses compositions un à un, afin de constituer les collages qui donneront naissance à ses œuvres. Baby livre alors d’irréels nourrissons de différentes couleur de peau, en pâture au visiteur, photographiés dans une plongée qui trouble les repères visuels. Les têtes semblent avoir été désolidarisées du corps s’y rattachant, afin de recréer des identités biscornues où les proportions ont été ignorées. Plus loin dans la galerie, les espaces forestiers des Study in Green, se succèdent, tropicaux ou champêtres, dans lesquels il nous faut chercher la biche furtive ou la chouette statique.
Contes, nature et Renaissance
Un univers onirique et mystérieux s’impose à la vue du spectateur, qui devient l’inspecteur enivré d’un monde émeraude, à l’image des photographies narratives d’Anna Gaskell, reprenant les contes et ambiances d’Andersen. La nature est reine chez Van Empel, qui s’applique, à l’instar du Douanier Rousseau, à y valoriser les moindres nuances de vert ainsi que les détails les plus dissimulés. Mais il serait vain d’évoquer les travaux photographiques de cet artiste, sans y mentionner le rôle prépondérant de l’enfance. Du nouveau-né dénudé au garçonnet et à la fillette bien attifés, les enfants recentrent le regard du visiteur en le fixant, ou en adoptant une attitude rêveuse et alanguie. Une jeune adolescente noire, Vénus #2, uniquement habillée d’un collier de perles blanches se dresse parmi les feuilles larges et opulentes d’une jungle bienveillante. L’influence de Botticelli est ainsi indéniable, Van Empel a néanmoins pris soin d’y ajouter une certaine touche de contemporanéité qui rappelle sans conteste le film d’animation à succès Kirikou, de Michel Ocelot.
Ruud Van Empel fait pénétrer le rêve et l’exotisme dans une sphère accessible, reliée à un sentiment qui dépasse fort heureusement celui constaté dans les ouvrages photographiques dédiés à l’Orientalisme. Une exposition qui guide le spectateur vers une terre inconnue sans pour autant l’inciter à la posséder.