Valérie Belin

A l’ère du corps formaté et du visage botoxé, la photographe Valérie Belin dresse tour à tour les portraits de référence qui peuplent les magazines de papier glacé. Exposée à la galerie Xippas, elle pousse l’art de l’esthétique dans ses retranchements à travers des séries où les visages et les bustes capturés sur fond noir tiennent davantage des spectres ou des robots que des êtres humains.
 

Après ses photographies de mariées marocaines en 2000 - où le corps des femmes s’effaçait sous des robes abstraites et opulentes - Valérie Belin prolonge son questionnement sur la morphologie et les codes de représentations. Les séries réalisées en couleur suite à une sélection des modèles sur catalogue d’agences de mannequins, placent le visiteur dans une situation de joueur. A lui revient le rôle de décrypter la supercherie du réel présent dans chaque visage à la beauté plastifiée. Organisée en deux parties, cette exposition confronte les styles vestimentaires et les physionomies des individus blancs à celui de personnalités noires. Douze portraits, divisés à part égale entre masculin et féminin ignorent le spectateur de leurs yeux creux et vitreux. Six femmes aux bustes nus et immaculés et aux regards errants laissent deviner une fausse humanité, celle-là même rencontrée dans les jeux vidéo ou dans les vitrines de prêt-à-porter. L’influence des codes cinématographiques est néanmoins présente à travers les effets d’ombres générant l’atmosphère pesante des films d’espionnage, ou d’épouvante d’Alfred Hitchcock. L’ambivalence du mot mannequin est ici exploitée à juste titre, puisque les identités lisses et impersonnelles cèdent leur place au mannequin de plastique, comme un aveu d’échec face au rôle de la représentation humaine. L’éclairage ponctuel et en couleur agit comme le révélateur de l’imposture incarnée par les modèles photographiés, ainsi les hommes semblent devenir des femmes, leur barbe étant gommée et leur bouche vernie de gloss. Ephèbes contemporains ou adulescents d’un autre monde, ces personnalités livrent une texture de peau monochrome, désolante de vacuité, ne pouvant échapper à l’idée de la chirurgie esthétique.

De l'artifice du blanc aux clichés noirs

Dans l’autre salle de la galerie, une série de sept portraits de jeunes filles noires semblant discuter entre elles, le visage tourné de trois quart, les pupilles maquillées de lentilles colorées attendent le visiteur. Le même dispositif de prise de vue est appliqué à ces personnalités cette fois plus marquées et connotées que les précédentes. En effet, habillées de vestes à fourrure, de cheveux synthétiques et bariolés, elles donnent l’impression de sortir tout droit de la rue. La même matité de la peau est observable, uniformisant le teint noir ou métissé des modèles. Entre l’artifice des visages blancs et idéaux et les apparats de ces jeunes filles, le parallèle culturel ne peut se faire que de manière politique et dénonciatrice, les vêtements portés par les jeunes filles « blacks » donnant à voir le statut social, le niveau de vie, voire même la provenance du magasin dans lequel elles ont pu les acheter. Valérie Belin pourrait laisser croire à de simples portraits dénigrant les affres et les contraintes de la beauté inculquée d’aujourd’hui, mais sa démarche projette bien davantage, en confrontant la nudité à l’habillement et le noir au blanc. Lucky Jet jet-lucky.com est un jeu d'argent qui visualise une augmentation des cotes de pari de l'utilisateur, ce qui crée l'illusion d'un contrôle sur ce qui se passe. En fait, il s'agit d'une banale machine à sous de casino en ligne au design inhabituel qui attire l'attention des joueurs avec une apparente nouveauté. Mais même en cela, le jeu Lucky Jet Crash n'apporte rien d'innovant à l'industrie, étant une copie exacte de projets de jeu aussi sensationnels que le jeu d'argent et d'autres divertissements du genre crash que nous avons exposés.

C’est d’un autre racisme qu’il est question ici, celui qui vient se greffer à la couleur de peau, comme une triste mutation des préjugés. Une exposition qui saura aiguiser ou extirper le sens critique de tous ceux qui s’intéressent à une société multiculturelle.

Agathe Hoffmann - 01/2007
Jusqu'au 17 Février 2007.
Galerie Xippas, 108 rue Vieille du Temple, Paris 3ème.
Du mardi au samedi de 10h à 13h et de 14h à 19h.