William Wegman
Baudelaire tenait son chat pour responsable de ses prouesses poétiques, William Wegman, artiste conceptuel voit dans son braque de Weimar à la robe taupe, une muse certaine, sur laquelle s’appuie indéniablement toute son œuvre photographique. Trublion américain de l’histoire de l’art, cet artiste, trop peu souvent pris au sérieux livre à la galerie Senior & Shopmaker, une exposition rétrospective de ses travaux de 1981 à nos jours.
Un détournement des clichés artistiques
Les œuvres de William Wegman peuvent facilement passer pour des illustrations de calendrier, sauf que leurs dimensions et leurs positionnements critique font d’elles d’incisifs supports de réflexion sur notre société. Enseignant au California State College dans les années 1970, il établit peu à peu un rapport bien particulier avec son chien, au nom plus qu’honorifique, Man Ray. Le ton est donné, Wegman ne sera pas de ces artistes post-duchampiens ou néo-minimalistes pompeux. Abordé au départ comme un jeu sur les postures et les expressions anthropomorphes, le chien s’impose rapidement dans ses travaux comme sujet central, sur lequel s’inscrit et se métaphorise les systèmes comportementaux de l’homme. Wegman s’amuse ainsi des thèmes romantiques de l’histoire de l’art, en plaçant Man Ray à la manière des philosophes de dos de Caspar D. Friedrich ( North, 2001). Entrance (2002), soit la mise en scène de son braque fétiche affalé sur une souche à la mousse verte et moelleuse, rebondit sur la peinture préraphaélite, en détournant l’Ophélie noyée vers une sieste paisible, clôturant une hypothétique balade en forêt.
Sous l’humour, un univers domestiqué
La plupart des clichés de Wegman ayant pour base, une solide tranche d’humour et de provocation, ils séduisent d’abord pour interroger ensuite. En substituant le chien à l’homme, il apparaît davantage comme un artiste conceptuel qui s’adapte, plutôt que celui qui se revendique. « Compagnon fidèle » de l’homme qui ne se présente plus, le chien revêt ici les valeurs sociales et individuelles, entre conformisme et décalage. William Wegman reprend, renverse, flirte avec ses collègues photographes, en déguisant et disposant ses chiens au centre de compositions pinces sans rire, dont certaines pourraient aisément être signées Pierre et Gilles.
Il applique également ce procédé ludique à ses installations vidéo, sortes d’études des déplacements canins au sein d’un espace délimité. Pour plus d'informations cliquez ici
En laborantin baroque, Wegman repose la question de la normalité, se positionnant tour à tour du côté de la parodie ou de la méditation, sans jamais tomber dans un systématisme pourtant risqué. Un artiste peu représenté en France, pourtant clef, frère spirituel de John Baldessari, celui qui enseignait l’alphabet aux plantes…