Alien Covenant

Nouvelle incursion de Ridley Scott dans l’univers Alien avec des effets visuels encore plus ambitieux que pour Prometheus. Avec des CG progressions signées MPC et Framestore !

Si Prometheus n’a pas convaincu tout le monde en 2012, son raffinement visuel a fait l’unanimité. L’élégance formelle du film avait rappelé à tous combien Ridley Scott demeurait le cinéaste le plus inventif sur le plan visuel dans le domaine de la science-fiction. Cinq ans plus tard, le réalisateur revient à la saga Alien qu’il a créée il y a près de quatre décennies. L’histoire tourne autour cette fois du vaisseau spatial Covenant, dont les passagers sont chargés d’implanter une colonie sur une planète apparemment idéale. Celle-ci va toutefois se révéler être pleine de surprises…

Ridley Scott aime travailler avec les mêmes collaborateurs de film en film, et on retrouve donc sur Alien : Covenant le superviseur des effets visuels de Prometheus, Charley Henley. Ce dernier a vite réalisé que le projet était bien plus ambitieux que le film précédent : “Alien : Covenant comporte environ 1450 plans à effets visuels, soit quasiment la même chose que Prometheus, mais ces plans sont nettement plus complexes. Il y avait davantage de plans de créatures, mais aussi plus d’effets liés aux personnages avec les naissances d’aliens, etc., et enfin, le film comportait plusieurs scènes dans lesquelles tout l’environnement est généré par ordinateur, ce qui est toujours très compliqué.”
Les effets visuels ont été répartis entre sept sociétés différentes : MPC a traité le plus gros du projet avec 627 plans, tandis que le reste était réalisé par Framestore, Animal Logic, Luma Pictures, Rising Sun, Atomic Fiction et Peerless Camera.

Le Covenant: un vaisseau spatial très complexe
Pour créer les effets visuels des scènes spatiales, Henley a logiquement sélectionné Framestore qui a travaillé sur plusieurs gros projets dans ce domaine ces dernières années, comme Gravity ou Seul sur Mars. Dans Prometheus, le vaisseau était la propriété d’un milliardaire, une sorte de yacht de l’espace avec tout ce que cela comporte d’exigence en termes de raffinement et d’élégance, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. À l’inverse, le Covenant est un pur engin utilitaire. Sa fonction est de transporter des gens et des marchandises sur de longues distances, sans fioritures, ni souci d’esthétique. “Le vaisseau est censé mesurer 1200 mètres de long, soit presque dix fois plus que le Prometheus. Du coup, le travail de texture et de modélisation des surfaces a été très compliqué : le vaisseau était tellement grand qu’il y avait toujours de nouveaux endroits à détailler ! Le processus de design a démarré en septembre 2015 et s’est prolongé jusqu’en postproduction. Ridley n’a pas cessé d’améliorer le vaisseau, il cherchait les petites touches qui rendraient ce vaisseau différent de tout ce qui avait été fait dans le genre auparavant.”

Le Covenant a été modélisé à partir de sections modulaires qui pouvaient être assemblées les unes aux autres afin de simplifier le processus. L’aspect le plus technique du vaisseau était les voiles solaires qui mesurent près d’un kilomètre de côté ! La série de plans où elles se déploient a été l’une des scènes VFX les plus difficiles à réaliser : “Il fallait concevoir un mécanisme logique qui permettait de déplier et de replier ces immenses carrés de matière réfléchissante. Nous avons d’ailleurs étudié des projets de la NASA dans ce sens, ce qui nous a donné quelques pistes. Le matériau en lui-même était très compliqué à gérer. Ridley voulait une sorte de Mylar (polyéthylène type couverture de survie) très réfléchissant, mais aussi avec une structure très travaillée pour accrocher la lumière et produire des reflets intéressants. C’est cette texture qui a causé le plus de problèmes à Framestore, car il fallait la reproduire sur 1 km2 !”

Combat contre Alien en plein vol
Deux autres vaisseaux apparaissent dans le film, une navette de transport de personnel, et un engin cargo. Ce dernier se trouve au centre d’une scène à suspense dans laquelle un soldat et l’héroïne se retrouvent sur la coque en plein vol, pour combattre un alien Xénomorphe. Dès le départ, l’équipe savait qu’il s’agissait-là sans doute de la scène à effets visuels la plus complexe de tout le film. L’action impliquait le vaisseau lui-même, l’environnement créé de toutes pièces, le xénomorphe animé en 3D, ainsi que les acteurs principaux…

Pour préparer le terrain, la séquence a été soigneusement prévisualisée en 3D. “Avec le département effets spéciaux et le chef décorateur, nous avons décortiqué l’action plan par plan pour déterminer ce qui pouvait être filmé « en vrai » et ce qu’il fallait créer en numérique, quelle taille devait avoir le décor réel, etc. Nous avons finalement convenu de construire le tiers de la navette cargo en un décor grandeur nature, puis de le monter sur un support hydraulique pour simuler sur les acteurs les effets du vol. Le décor était conçu de façon modulaire afin de représenter différents endroits de la plate-forme. Suivant la nature de l’action, l’avant pouvait devenir l’arrière et inversement ¬– c’était très astucieux. En postproduction, nous avons complété le décor avec des extensions 3D, puis intégré le flux des propulseurs, et enfin, animé le xénomorphe. Pour créer un effet de vitesse, des paquets de brume ont été incrustés dans l’image, traversant le décor à toute vitesse. Ça rendait l’action encore plus frénétique. Quand l’engin était cadré de loin, il s’agissait d’une version animée en 3D. Dans ces plans-là, l’image entière est une création numérique.”

Un festival de créatures animées en 3D

Bien plus que les vaisseaux spatiaux, les créatures extraterrestres constituaient la partie la plus délicate du projet. Ridley Scott a toujours été un grand partisan des effets et des images « réelles ». Qu’il s’agisse d’une créature ou d’un décor, le réalisateur s’arrange toujours pour avoir un maximum d’éléments réels devant la caméra. Même si ces éléments sont remplacés par la suite, ça lui permet d’ancrer l’action dans la réalité.

À l’exception de la naissance du Néomorphe, nouveau petit frère du Xénomorphe, des petites créatures, et de plans ponctuels, la plupart des créatures que l’on voit dans le film ont été créées par ordinateur, un projet géré par MPC. “Le remplacement des effets de créatures a été motivé par deux raisons,” souligne Henley.  “Cela n’avait rien à voir avec la qualité des effets réalisés par l’équipe des maquillages. La première, c’était que Ridley voulait continuer à travailler sur le design, même après le tournage. Il avait manqué de temps en préproduction pour vraiment fixer le design définitif, et il voulait tester d’autres idées en postproduction – les créatures numériques le lui permettaient. La seconde raison, c’était qu’il souhaitait voir les créatures bouger d’une manière qui était impossible pour un interprète humain ou une marionnette, comme lorsque le xénomorphe marche à quatre pattes sur le vaisseau cargo. Avec l’animation 3D, on peut mettre au point des cycles de marche totalement atypiques. Ça renforce le côté « extraterrestre » des créatures. Parallèlement, nous avons aussi « augmenté » en numérique les plans tournés avec les petites créatures, comme le « face hugger » ou le « chestburster ». Framestore a travaillé sur ces effets pour renforcer l’impact des prises de vues réelles.”

Prometheus avait marqué le grand retour de Ridley Scott sur la saga Alien, ce qui avait forcément excité le geek qui sommeille en chaque artiste VFX. Mais Alien : Covenant va beaucoup plus loin dans le côté « fan boy », puisque le film ramène à la vie le mythique Xénomorphe de la saga originale. “Pour un modeleur ou un animateur ou un lighter, imaginez comment on se sent lorsqu’on travaille directement sur l’une des créatures les plus célèbres de la science-fiction ! Participer à un projet comme celui-ci, c’est toucher à une légende du septième art ! Alors, forcément, Alien : Covenant a été un film à part pour nous tous…”

Alain BIELIK, mai 2017
(Commentaires visuels: Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 25 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.