Avengers l'ère d'Ultron

Marvel décroche un nouveau record des effets visuels avec plus de 3000 plans passés entre les mains d’une armée de graphistes.

Plus grande, plus énorme, plus explosive, la suite de Avengers propose un spectacle au format XXL. Le projet s’est avéré nettement plus ambitieux que le précédent car, cette fois, plusieurs personnages principaux ont été réalisés en animation 3D : Hulk, le géant vert qui fait partie de l’équipe, Ultron, le robot intelligent qui se retourne contre son créateur Tony Stark, la Vision, un être biomécanique surpuissant créé par ce même Stark pour stopper Ultron, sans oublier l’armée de robots d’Ultron, ainsi qu’Iron Man dans la plupart des plans. Autant de personnages virtuels qui venaient augmenter la complexité de centaines d’effets visuels axés sur les environnements et les destructions.

Supervisé par Christopher Townsend, le projet a été réparti entre une douzaine de studios VFX dont les principaux étaient Industrial Light and Magic, Trixter, Double Negative, Framestore, Lola VFX ou encore Animal Logic. Les plans les plus complexes ont été confiés à ILM, cheville ouvrière du premier Avengers. Le studio fondé par George Lucas (et aujourd’hui propriété des studios Disney, producteurs du film) s’est chargé de créer Hulk, Ultron, Iron Man, ainsi que toute la séquence finale.

Hulk nouvelle génération
Pour les besoins du film, Hulk a été complètement repensé. ILM a développé le nouveau personnage sur les bases excellentes du travail réalisé sur le film précédent. Cette version de Hulk fait aujourd’hui l’unanimité auprès des fans par rapport à celle de MPC pour L’Incroyable Hulk (2008) et celle d’une autre équipe d’ILM pour Hulk (2003). La mise à jour était indispensable car, dans L’Ère d’Ultron, Hulk est présent à l’écran deux fois plus longtemps que dans le film précédent, et surtout, il apparaît en gros plan dans deux scènes à fort coefficient émotionnel.

Pour obtenir un réalisme maximum, la résolution a été tout simplement doublée sur le personnage. De même, le squelette a été reconstruit pour inclure cette fois le crâne. Quant aux muscles, ILM les a repensés pour qu’ils déforment la peau de manière directe, et non plus par l’intermédiaire d’une simple simulation.
L’équipe est même allée jusqu’à travailler avec des chirurgiens afin de visualiser des contractions anatomiquement correctes, car lorsqu’un muscle se contracte, il ne fait pas que gonfler, sa structure change parfois de façon radicale. À la suite d’un long processus de recherche et développement, ILM a mis au point un système de simulation automatisée de la peau : les animateurs se chargeaient d’animer le personnage, et le logiciel déclenchait le mouvement de la peau sur les muscles en mouvement. Le résultat était visible dès le lendemain matin. Ces images pouvaient alors être comparées avec celles d’un bodybuilder filmé sur le plateau pour représenter Hulk en action.

Parallèlement, les shapes d’animation du visage ont été modifiés pour se rapprocher le plus possible de Mark Ruffalo, l’interprète de Hulk. Le but était de conserver au maximum les nuances de l’interprétation originale. À cet effet, ILM a également mis au point un système de visualisation en temps réel de l’animation 3D sur le plateau. Grâce à un dispositif de performance capture facial, l’acteur pouvait observer en direct sur un écran d’ordinateur la manière dont ses expressions étaient transposées sur Hulk. Il était dès lors en mesure d’adapter son jeu pour obtenir un résultat optimal. Tous ces efforts se sont traduits au final par un Hulk considérablement amélioré par rapport à son incarnation précédente.
Animé dans Maya avec un rendu dans RenderMan, Hulk version 2015 s’est avéré être le personnage humanoïde le plus complexe jamais créé par ILM.

De son côté, Ultron s’est imposé comme le personnage le plus élaboré de l’histoire du studio, toutes catégories confondues. C’est bien simple, son rig est dix fois plus complexe que le Optimus Prime des Transformers. Le visage comporte à lui seul plus de 600 nodes, avec 1400 de plus pour le corps. Si le rig était tellement complexe, c’était parce que la structure du personnage interdisait tout « squash & stretch ». Impossible de tordre ou de déformer quoi que ce soit pour faciliter l’animation faciale. Il fallait que les pièces se déplacent les unes par rapport aux autres en respectant les lois de la physique, ce qui s’est avéré être excessivement compliqué. Sur le plateau, l’acteur James Spader a été filmé avec Muse, le système de performance capture d’ILM.

Deux plans d’anthologie
Le studio californien s’est également chargé de créer deux plans plus grands que nature, à commencer par celui d’ouverture où la caméra virevolte d’un Avenger à l’autre alors que les superhéros attaquent une base ennemie. L’action dure plus d’une minute en continu sans qu’aucune coupure ne soit décelable. Et le plan se termine par la vision « hénaurme » des six superhéros filmés au ralenti en action et en enfilade dans le cadre. Le genre de plan impossible dont on parle en sortant de la projection…

Pour y parvenir, ILM a dû assembler une dizaine de prises de vues différentes enregistrées sur une période de dix jours avec les acteurs filmés séparément soit sur place, soit sur fond vert. Chaque scénette avait été soigneusement prévisualisée afin de s’assurer que la jonction pouvait être faite avec la prise suivante. Ces images réelles étaient complétées par des environnements reconstitués sous forme de cycloramas 2D, agrémentés d’arbres 3D dans lesquels la caméra virtuelle pouvait voler d’un Avenger à l’autre. Ce plan était tellement complexe qu’ILM ne l’a terminé que le dernier jour de la production.

Le même principe a été repris pour le plan tout aussi spectaculaire de la bataille finale avec la caméra qui tourne autour des Avengers en plein combat dans un ralenti hypnotique. Là encore, les acteurs ont été filmés séparément, puis intégrés dans un mouvement de caméra virtuel qui s’étend sur plus d’une minute. Les fans ont applaudi des deux mains…

Fin du monde : un travail monumental
Parallèlement à son travail sur les superhéros ou leurs ennemis, ILM a créé l’impressionnante destruction d’une ville d’Europe centrale. Dans l’histoire, Ultron veut exterminer l’espèce humaine en reproduisant le cataclysme qui a fait disparaître les dinosaures : la chute d’un météore. À cet effet, il installe une énorme machinerie sous une ville afin de la soulever de terre pour la transformer en météore « fait maison ». La séquence impliquait des simulations dynamiques à une échelle encore jamais vue.

L’environnement a été généré par ordinateur à partir d’une combinaison de différents endroits réels, dont une ville italienne du Val d’Aoste. Une fois encore, comme pour Hulk et Ultron, ILM a battu un record interne : celui de l’environnement le plus lourd de l’histoire du studio. Il fallait en effet modéliser une ville entière, puis concevoir un rig qui puisse décrocher la partie centrale du reste du décor avec les centaines de destructions que cela impliquait sur sa périphérie.

Pour ces effets de destruction, ILM ne pouvait pas utiliser la même technique que sur les Transformers. Son logiciel de simulation dynamique – le bien-nommé Fracture – est en effet conçu pour détruire un seul bâtiment à la fois. Dans L’ère d’Ultron, c’était la ville entière qu’il fallait gérer, avec des centaines de simulations en simultané, des avenues entières de bâtiments qui s’effondraient en parallèle.

Dans cette perspective, l’équipe a mis au point un pipeline particulièrement élaboré. D’abord, les plans ont été traités dans Houdini où le modèle 3D de la ville a subi de multiples destructions, soit par des animations manuelles, soit à l’aide de Fracture. Chaque bâtiment à l’avant-plan disposait d’intérieurs entièrement décorés, de manière à ce que des milliers de débris apparaissent lors de l’effondrement de la structure.
 
Ensuite, les plans ont été importés dans Zeno Plume, autre logiciel développé en interne, qui a ajouté les simulations de particules pour générer les nuages de poussière et de fumée. Enfin, ils sont passés dans 3DS Max afin que le rendu des bâtiments puisse être réalisé dans V-Ray. Pour les plans serrés, une approche plus simple a été privilégiée : simulations dynamiques dans Fracture, particules dans Plume et rendu dans RenderMan.


Ce travail monumental n’a pas laissé les fans indifférents: le film a enregistré le deuxième meilleur démarrage de tous les temps au box-office. Juste derrière… le premier Avengers. Et au bout de deux semaines d’exploitation, il est déjà le troisième plus gros succès de tous les temps, avec $1,5 milliard de recettes dans le monde ! Vous n’échapperez pas à la colère du dieu Thanos, prévu pour être le grand méchant du troisième volet de la saga en 2017-2018…

ALAIN BIELIK, Mai 2015
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 23 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.