Shaun le mouton

Dix ans après Wallace et Gromit, Shaun le mouton a enfin droit à son long métrage. Humour britannique et animation stop-motion signés Aardman garantis !

Le renommé studio britannique Aardman ne produit pas de longs métrages à la chaîne : 5 seulement en 15 ans, dont les inoubliables Chicken Run (2000) et Wallace et Gromit : le mystère du lapin-garou  (2005) en animation stop-motion, et les très moyens Souris City (2006) et Mission : Noël (2011) en images de synthèse. Heureusement, Aardman a su en tirer les leçons et revenir à l’animation en volume d’abord avec Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en touten 2012 et maintenant avec Shaun le mouton.

Comme Wallace et Gromit en leur temps, Shaun le mouton a fait ses débuts à la télévision et conquis sa célébrité depuis 2007 en charmant les enfants par épisodes de 7’ (diffusés en France sur TF1). Au total, 130 épisodes produits en 4 saisons racontent les aventures de Shaun et ses confrères moutons, ainsi que de leur chien berger Bitzer et de leur fermier, dans le village perdu de Mossy Bottom : so british… and so successful (diffusion dans 170 pays !). Même sur Facebook, Shaun est une vedette avec près de 5 millions de fans dont un quart au Moyen-Orient.

Passer d’une série au long métrage reste néanmoins un véritable défi. Il faut redéfinir les personnages et l’histoire pour séduire parents autant qu’enfants, et sur une durée autrement plus longue. Un travail mené sur 3 ans (écriture et développement de l’histoire en 2012-2013, tournage en 2014) par Richard « Golly » Starzak, créateur du personnage et réalisateur de la série, assisté sur ce film par le scénariste et vétéran d’Aardman Mark Burton.

Histoire et personnages
« Nous sommes partis de l’atmosphère familiale  dans la série entre les moutons, le chien et le Fermier pour explorer la relation entre le Fermier et Shaun, une relation père-fils. Il a fallu donner plus de consistance aux personnages, affirmer leurs personnalités. Les personnages secondaires aussi, en particulier les autres moutons, jusque-là interchangeables, se sont individualisés. L’intérêt d’un long métrage est qu’on est moins pressé par le temps que pour une série, on peut revenir et affiner histoire et animation. Notre job en phase de tournage a largement consisté à revoir chaque jour les plans tournés la veille et répartir le travail entre animateurs d’après le storyboard. »

Big Town, la grande ville
« L’autre grand défi a été d’élargir l’univers de Shaun le mouton. La série se déroule dans  la ferme de Mossy Bottom ou dans le village voisin. Là, nous avons rajouté la grande ville de Big Town pour élargir l’univers. Le nombre de plateaux de tournage, de lumières et de caméras à placer n’a plus rien à voir. Big Town est fait d’une série de petits plateaux, où on tourne en changeant les décors rapidement. »

Le studio d’animation d’Aardman
« Dans notre entrepôt en banlieue de Bristol, nous avons tourné simultanément sur 20 plateaux, chacun avec son décor, son animateur et sa caméra. Au total, 33 décors différents ont été utilisés, filmés par 58 caméras. On tournait environ 40 à 50 plans par semaine, ce qui représente à peu près 2minutes 30 de film utile. Mais chaque animateur tente d’obtenir trois secondes de film utile par jour. Cela dépend du nombre de personnages par scène et de leur type d’interaction. Certains personnages sont plus complexes et exigent un plus grand travail de la pâte à modeler.

En tout, une centaine de personnes, y compris trente maquettistes (en charge de la fabrication et de l’entretien des marionnettes), ont collaboré à Shaun le mouton. Et 354 marionnettes ont été utilisées pour les besoins du film (157 humains et 197 animaux, dont 116 moutons !), avec 3 000 bouches interchangeables pour les animer. A lui seul, Shaun compte 21 marionnettes dont chacune mesure 17 cm de haut et pèse 100 grammes. L’animation est à 99,9% en stop-motion, et nous n’avons utilisé d’effets visuels que pour des effets d’éclaboussures, bulles, etc. Ce qui représente quand même 1 051 plans sous-traités au studio Axis Visual Effects.

Et nous avons bien sûr parsemé le film de clins d’œil cinématographiques, et surtout veillé à ce qu’il passionne petits et grands avec l’humour que tous en attendent. »

Propos recueillis par Paul Schmitt, mars 2015