Spider-Man Homecoming

Triomphe planétaire pour le retour chez Marvel de l’un des superhéros les plus populaires !

Dans la galaxie des superhéros, Spider-Man est une star, et chez Marvel, c’est le roi incontesté. Dans les années 1990, l’éditeur de comics était à bout de souffle et cherchait de l’argent frais. Il avait donc cédé les droits de Spider-Man à Sony Pictures qui en avait tiré une trilogie Spider-Man dont le succès planétaire avait contribué à lancer la mode des films de superhéros. Le studio avait récidivé quelques années plus tard avec deux nouveaux films The Amazing Spider-Man interprétés par un acteur différent, mais avec un accueil nettement moins chaleureux. En 2015, plutôt que de risquer une usure du public, Sony Pictures a proposé à Marvel un partenariat inédit : relancer la saga avec Marvel Studios aux commandes et Sony Pictures à la distribution. Ainsi, les petits génies de Marvel pourraient apporter à l’homme-araignée la magie dont ils ont su faire preuve avec tous les superhéros maison jusque-là.

Le résultat de cette collaboration hors norme, c’est Spider-Man : Homecoming, un film qui fait l’unanimité auprès des critiques et dont la grande nouveauté est de replacer le superhéros dans ses jeunes années, alors qu’il n’était qu’un lycéen (presque) comme les autres. Si toute l’équipe devant et derrière la caméra a été renouvelée, le département effets visuels, lui, s’est une fois de plus reposé sur Sony Pictures Imageworks (société sœur de Sony Pictures). Le studio a signé les effets de tous les Spider-Man, récoltant au passage son unique Oscar à ce jour. Le reste des effets visuels a été réparti entre ILM (qui avait créé Spider-Man pour Captain America : Civil War), Digital Domain, Method Studios, Luma, Trixter, ou encore Iloura. On notera que, pour une fois avec Marvel, aucun des grands studios britanniques n’est au générique.

Navire en perdition
Au fil de l’histoire, Spider-Man apparaît avec deux costumes différents : la tenue high tech vue dans Civil War, et une version basique aux allures de survêtement. La première version a été modélisée et texturée par Method Studios à partir des données d’ILM sur Civil War, puis le personnage a été envoyé aux différents studios. Il s’agit-là d’une méthodologie spécifique à Marvel où un studio VFX réalise un asset de A à Z, puis le partage avec des confrères pour qu’ils l’exploitent dans leurs propres plans. Bien sûr, chaque studio doit adapter les données à son pipeline, mais Marvel ne doit payer qu’un seul prestataire pour la création de l’asset…

C’est ainsi que Digital Domain a récupéré le Spider-Man high tech pour la grande scène du ferry-boat à Manhattan. Au cours de cette bataille, le navire se retrouve coupé en deux et la seule chose qui l’empêche de sombrer, ce sont les toiles d’araignée tissées par Spider-Man. La séquence a été filmée de deux manières différentes. Pour les plans larges, l’équipe a utilisé des images d’un vrai ferry de Manhattan, puis a intégré les effets visuels et les destructions, ainsi que la flottille de navires qui se précipite pour sauver les passagers. Pour les plans serrés, les acteurs ont été filmés sur un décor de studio représentant une partie du navire. Le décor était monté sur des vérins hydrauliques qui séparaient la structure en deux moitiés, tandis que des trombes d’eau jaillissaient à l’intérieur.

En postproduction, la première étape a consisté à créer la réplique numérique exacte d’un ferry newyorkais. Pour ce faire, l’équipe a pu scanner au LIDAR un ferry entier situé dans une cale sèche, puis a pris toutes les mesures et photos de référence. Ces données ont ensuite permis de modéliser et de texturer le ferry 3D, si bien que Digital Domain a pu prolonger le décor de studio pour visualiser le navire entier à l’image. La réplique virtuelle a également permis de remplacer le vrai ferry pour réaliser toutes les destructions.

Une nouvelle approche : calculer deux rendus
Côté animation, c’était la première fois que Digital Domain traitait Spider-Man. ILM avait déjà défini le style d’animation pour Civil War, et l’équipe devait se baser là-dessus pour animer le superhéros. Cela a également été le cas pour Imageworks avec la bataille finale. Digital Domain a inauguré sur ce film une nouvelle procédure digne d’intérêt : chaque plan d’animation a d’abord été calculé dans RedShift, puis le rendu final a été réalisé dans V-Ray une fois le plan validé. L’avantage de RedShift, c’est qu’il s’agit d’un moteur de rendu à accélération GPU : les images sont calculées très rapidement à partir de la carte graphique et non pas du processeur. Le résultat est largement insuffisant pour être intégré au composite final, mais il intègre – et c’est-là tout son intérêt – l’effet de flou sur l’animation. Autrement dit, l’équipe peut proposer un plan test au réalisateur très rapidement, sans attendre le long et coûteux rendu traditionnel. Et sans le flou de mouvement, une animation de ce type est très difficile à juger, surtout sur un personnage aussi mobile que Spider-Man !

Pour animer le superhéros, l’équipe s’est reposée principalement sur la motion capture. Les mouvements de l’acteur (et des doublures) ont été enregistrés dans un studio spécialement aménagé, avec cordes, câbles, éléments de décor, etc. Ces données ont ensuite fourni la base de l’animation. Les mouvements ont été augmentés pour devenir « superhéroïques », tout en restant dans les limites du raisonnable. Cette limite est l’un des aspects les plus délicats des films de superhéros : d’un côté, le personnage doit accomplir des choses impossibles à réaliser pour un homme normal, mais en même temps, si l’on va trop loin, le héros perd son humanité et devient un personnage de jeu vidéo. Une seule solution : travailler au « feeling », et faire confiance au jugement du réalisateur.

Celui-ci s’est d’ailleurs démarqué de ses prédécesseurs en choisissant de filmer Spider-Man de façon réaliste, c’est-à-dire uniquement avec des mouvements de caméra ou des angles de prises de vues qui étaient possibles dans la réalité. Le personnage était déjà assez fantastique en lui-même, pas besoin de renforcer l’étrangeté de ses acrobaties en faisant tourner la caméra dans tous les sens autour de lui…

Spider-Man contre le Vautour
Pour la bataille finale, Imageworks avait fort à faire puisque l’action se déroule d’abord dans un hangar, puis sur un avion en vol, et enfin sur une plage au milieu de débris en flammes. En plus de l’action elle-même, le studio devait gérer un défi supplémentaire avec le costume de Spider-Man. Celui-ci est une version basique que le superhéros a cousue lui-même comme il le pouvait – tout simplement parce que Tony Stark lui a repris le costume high tech qu’il lui avait confectionné… À la différence de la première version, cette tenue n’est pas du tout moulante, le tissu « flotte » à chaque mouvement du superhéros.

Pour créer un effet réaliste, l’équipe d’Imageworks a modélisé le costume comme s’il s’agissait d’une tenue réelle : les pièces de « tissu » ont été découpées, puis assemblées de la même manière qu’un tailleur procèderait dans la réalité. Le processus a été réalisé dans Marvellous Designer et a permis d’obtenir un costume dont tous les plis et coutures tombaient correctement. Grâce à cette précision, le tissu s’est ensuite comporté de façon naturelle lorsque les simulations dynamiques lui ont été appliquées.

La bataille finale repose presque entièrement sur l’animation 3D. À part quelques plans dans le hangar et les plans serrés sur la plage, toute l’action a été réalisée en numérique. Comme pour Digital Domain, les plans ont été filmés en motion capture avec l’acteur ou sa doublure cascade. Puis, Imageworks a intégré cette animation dans les trois environnements successifs : l’avion dans le hangar, l’avion en vol, et le site du crash. Le plus difficile a été d’obtenir des mouvements réalistes pour le Vautour. Avec ses ailes de dix mètres d’envergure, le personnage s’est avéré particulièrement difficile à animer de façon naturelle.

Rajeuni, réinventé, débarrassé des considérations existentielles de ses prédécesseurs, ce nouveau Spider-Man n’a eu aucune peine à séduire le public : le film a effectué l’un des plus gros démarrages de tous les temps pour un film de superhéros. Personne ne s’étonnera donc que la suite soit déjà programmée pour le 5 juillet 2019 !

Alain BIELIK, Juillet 2017
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 26 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.