Cette photographie prise rue Henri Barbusse dans l’appartement où vivait, à l’époque, Denis Roche et Françoise Peyrot est un concentré des enjeux de son oeuvre. Elle est dans le même temps une vacance et une réflexion sur l’acte.
Denis un mardi, un de ces jours dont on ne sait pas trop quoi faire, cherche appareil en main à faire une photographie. Il pose le miroir au sol, juste pour voir, il réalise quelques photos mais rien de convaincant ne se passe, il demande à Françoise de venir, à nouveau quelques prises mais toujours rien, il va chercher un face à main qu’il dépose sur le miroir et indique à Françoise où elle doit se placer. Alors s’engage une série de prises, une variation sur l’acte qui pose les questions de l’autoportrait, de la photographie dite directe et de celle mise en scène, du basculement de l’espace dans le plan et, de fait, de l’abstraction que crée le médium.
La présence des pieds de Françoise et de Denis confrontée à la réflexion de leur corps dans le miroir, qui les projette dans un espace sans fond, souligne :
l’arrêt du temps,
la possibilité de faire voir l’invisible du réel,
la coupe que le cadrage opère par sa limite, (n’oublions pas que Denis Roche a interrogé sans relâche cette question autant en littérature qu’en photographie).
Elle est un résumé des spécificités de la photographie.Remarquez que dans cette photographie c’est un face à main qui devient l’appareil de prise de vue comme quoi la photographie est un mensonge qui sans cesse revendique son acte.Jacques Damez