Né en 1983 à Lahore (Pakistan), Aun Raza est diplômé en arts multimédias du Collège national des arts de Lahore. Bien que son champ d’investigation soit multiple, il privilégie le portrait et le reportage. Repéré en 2012 par les photojournalistes Gary Knight et Philip Blenkinsop, Aun Raza est aujourd’hui représenté par l’agence Getty. Il vit entre le Pakistan, l’Italie et le Canada.
« La photographie représente pour moi un moyen de lire les journaux intimes des gens, de partager leur vie. Représenter la réalité en images m’a permis de mieux l’appréhender, pour ensuite la transformer en images expressives. J’ai pratiqué auparavant le dessin et la peinture, mais la photographie, par son caractère immédiat, m’a offert le moyen de saisir ces instants fugaces et émotions qui m’ont souvent laissé sans voix. Ces moments “ extraordinairement ordinaires” font écho à ce que le professeur d’art dramatique Constantin Stanislavski (1863-1938) appelait à juste titre la “ solitude en public ”. Le Pakistan était à même de me procurer ce genre d’émotions contradictoires qui me gardaient éveillé et avide de découverte : exaspération et aspirations, musique et pleurs, chaos et consolation, vie et désolation. Rencontrer des personnes en situation de capitulation et de désespoir, mais aussi percevoir cette joie dont l’éclat est parfois palpable dans l’air, me donnent la sensation de visualiser l’instant où l’on retient son souffle. Au Pakistan, je me suis senti en alerte et assoiffé d’images. Mais franchir ses frontières, aussi bien du point de vue physique que métaphorique, a été crucial. Depuis 2010, voyager dans “ le reste du monde ” m’a permis de mettre de la distance, de l’humour, vis-à-vis de mon pays natal. Quand j’y suis retourné pour commencer cette série,les temps étaient en train de changer. Pas forcément pour le meilleur… À Lahore, au milieu des destructions et du pourrissement, la beauté, la moiteur, l’intensité subsistaient ; dans le visage de ces gitans campant près de la rivière Ravi, dans leur musique et leurs couleurs, à qui la ville doit une part de son héritage disparu. Avec ces photos, je pose un regard subjectif sur ce qu’il reste de cette ville appelée Lahore. » Aun Raza