Pictures for Paris

Un cri d’alarme sur l’état moral de la société moderne. Pour mieux exorciser le malaise ?

Gilbert & George ne forment qu’un seul artiste depuis leur rencontre à la Saint Martin's School of Art de Londres, en 1967. Et leur art a toujours énoncé des vérités sur le monde moderne, utilisant montages photos, symboles graphiques et portraits d’eux-mêmes au service de leur message. « Une radiographie morale de la société moderne et de son état d’esprit » résume l’essayiste et critique d’art Michael Bracewell.

« Nous n’avons pas besoin de voyager loin pour trouver notre inspiration, renchérissent Gilbert & George, nous n’avons qu’à regarder autour de nous ». Et de fait, après les Jack Freak Pictures (2010) et les London Pictures (2012) qui convoquaient l’Angleterre contemporaine, Gilbert & George s’interrogent sur l’état du monde en regardant les rues de leur quartier cosmopolite de Spitalfields à l’est de Londres. Femmes en burka et  jeunes en VTT se détachent sur un fonds de rues et de maisons géorgiennes. Avec en motif récurrent des bonbonnes métalliques figurant des bombes, alors qu’elles ne sont que des capsules de gaz hilarant utilisé autrefois comme anesthésique. Gilbert & George apparaissent aussi  bien sûr (c’est leur marque de fabrique), mais en visages masqués ou en silhouettes disloquées. Scapegoat/Bouc émissaire est le nom de cette série de 123 tableaux exposés simultanément pour moitié au Whitecube de Londres et pour moitié ici à Paris à la galerie Ropac de Pantin jusqu’au 15 novembre 2014.

Scapegoat/Bouc émissaire met en scène une société basée sur l’hostilité mutuelle, où prévaut un état de tension et de malaise. L’humour, toujours british, se fait ici grinçant. Sans prendre parti, Gilbert & George nous livrent une vision sombre de notre présent, comme un avertissement, un appel à mieux vivre ensemble particulièrement actuel.

Paul Schmitt, septembre 2014