Roger Waters, Hipgnosis, etc.

Il n’y a pas que la musique qui était révolutionnaire chez Pink Floyd, leur imagerie aussi, boostée par leurs complices du studio Hipgnosis.

Les Britanniques aussi aiment bien les anniversaires : profitant des 50 ans du premier album de Pink Floyd, The Piper at the gates of dawn, l’Albert and Victoria Museum de Londres consacre au célébrissime groupe une exposition majeure jusqu’au 1er octobre 2017.

Sous-titrée « Their mortal remains », elle propose évidemment photos et instruments et autres souvenirs retraçant la carrière du Pink Floyd : des psychédéliques et planants débuts des années 60-70s, jusqu’aux mégashows des années 1990-2000 en passant par la révolution Dark side of the moon (1973) où Pink Floyd abandonne les envolées psychédéliques pour du rock plus direct quoique très engagé sociétalement. Mais il n’y a pas que la musique chez Pink Floyd, leurs expérimentations visuelles ont aussi bouleversé les codes de l’industrie musicale d’alors. On le doit surtout au bassiste Roger Waters, qui s’implique le plus dans l’expression graphique du groupe après le départ de Syd Barrett en 1968, ainsi qu’au génial duo Aubrey ‘Po’ Powell and Storm Thorgerson qui forment le studio Hipgnosis (voir ci-dessous). Les couvertures d’albums sont bien sûr leur premier lieu d’expression. Mais les concerts deviennent aussi des supports visuels, surtout dans leur seconde période à partir des albums Dark Side of the moon (1973) et The Wall (1979). Boule à miroir, structures gonflables (dont le personnage du « bad  teacher » de The Wall, inspiré d’une illustration de Roger Waters) : Pink Floyd assure le show lors de ses concerts géants des années 70 aux années 90. Des pionniers, là-aussi.

Hipgnosis, l’identité visuelle des albums de Pink Floyd
Le conceptuel Storm Thorgerson (mort en 2013) et le photographe Aubrey Powell forment le studio Hipgnosis après leur première collaboration avec Pink Floyd pour la couverture du second album A saucerful of secrets (1968), couverture réalisée alors qu’ils sont encore étudiants au Royal College of Arts. Ils seront ensuite rejoints par le photographe Peter Christopherson.

Dès le début, Hipgnosis rompt avec le classique « photo du groupe et surimpression du titre de l’album en haut » des maisons de disque, et imposent des montages photo surréalistes et très "léchés". Un choix qu’ils garderont jusque dans les années 70, évitant les illustrations psychédéliques de la plupart des autres groupes rock de l’époque. Et ils n’hésitent pas à voyager au loin pour leurs prises de vue, par exemple jusqu’au lac Mono en Californie pour un visuel de Wish you were here (1975). Ni à prendre des risques, comme un énorme ballon en forme de cochon pour Animals (1977) ou un cascadeur en flammes pour Wish you were here (1975). Seconde révolution en 1973 avec Dark side of the moon : la musique de Pink Floyd change, la direction artistique aussi avec plus d’illustrations stylisées en couvertures (The Wall en 1979, The Final Cut en 1983). Sans renier leur imagerie photographique surréaliste qu’ils mettent au service d’autres grands artistes rock comme Black Sabbath, Peter Gabriel et Led Zeppelin (dont la fameuse couverture de Houses of the Holy en 1977). Leurs visuels aussi impactants que sophistiqués marquent leur époque.

 La vague punk fin des années 1970 – Johnny Rotten et son T-shirt « I hate Pink Floyd » - signe le retour à  plus de simplicité dans les visuels comme dans la musique. Hipgnosis, comme ses clients rockers, passe de mode au profit de designers comme Barney Bubbles, Brody, etc. Le studio fermera ses portes en 1983, chacun poursuivant sa carrière en solo.

Paul Schmitt, juin 2017