Festival de Chaumont 2012

Une édition qui fait la part belle au graphisme « en production ».

Le Festival de Chaumont est une des rares manifestations où le  « week-end inaugural » a lieu… en plein milieu de la manifestation, une semaine après ouverture ! Mais cela a ses côtés pratiques pour un festival qui se veut de plus en plus celui du graphisme en action, en production, et pas seulement celui du patrimoine graphique (l’affiche). On a le temps de rôder les installations, d’apprivoiser les machines et d’installer les connexions pour permettre aux créateurs présents et éloignés de participer au festival…

Etienne Hervy, directeur artistique du « Festival international de l’affiche et du graphisme » de Chaumont a donc pour ambition de faire vivre le graphisme, de le « faire devenir performance, édition et même production ». D’où les deux thèmes majeurs de cette édition 2012 (23ème du nom) : les liens entre graphisme et musique, et le graphisme en production

White noise aux Subsistances : Barney Bubbles, Laurent Fétis, Shoboshobo, etc.
Le premier étage de cet ancien entrepôt militaire est mobilisé par l’exposition "White noise" explorant les liens entre musique et graphisme. L’idée en serait venue d’un texte du graphiste Peter Saville selon lequel les les idées contemporaines viendraient de la musique. Et du coup, c’est non pas sa production mais celle de son collègue Barney Bubbles qui est ici en vedette.

Barney Bubbles a été DA dans la pub et a travaillé pour le designer Conran avant de se consacrer au graphisme pour l’industrie de la musique dans les années 70. Environ 80 pièces retracent le parcours de ce créateur anxieux, se remettant en cause lui-même durement, poussant aussi les limites de ses supports (pochettes de disques). Barney Bubbles a notamment travaillé pour le groupe Hawkwind, pour Ian Dury et Elvis Costello, et a accompagné l’émergence du mouvement punk au Royaume-Uni.

A côté, Laurent Fétis contribue, au rythme d’un dessin envoyé chaque jour sur place, à une grande fresque toujours sur le thème des liens entre musique et graphisme.

Participe également Mehdi Hercberg, alias Shoboshobo, illustrateur et musicien (label Cartilage), dont la production et le bestiaire coloré se déploient au sein d’un labyrinthe aux formes extérieures de crocodile monstrueux.

La Life, Moving Picture Show, Extraball,  Iron cubes, etc.
Nouveauté de Chaumont 2012 : la Life, un quotidien réalisé sur place et produit chaque matin sur une machine Riso sur papier journal. Mais un quotidien très graphique sous la houlette de Susanna Shannon, DA des Unes de Libé ! Une organisation et un outil qu’Etienne Hervy espère mettre à disposition d’autres festivals comme Arles ou Avignon.

L’ancienne chapelle des Jésuites est traditionnellement le cadre d’expérimentations graphiques « live ». A fortiori cette année, avec le Moving Picture Show de Jürg Lehni qui recycle une machine à sous-titrer les films pour créer des figures d’animation sur de la pellicule déjà impressionnée avec un laser.  Tout un programme, très approprié, dixit Etienne Hervy , « au moment où Kodak fait faillite et où les anciens cinémas de Chaumont qui projetaient en 35mm ferment pour être relayés par  un nouveau complexe multisalles et numérique… »

Moment de nostalgie aussi, et un de nos favoris avouons-le, avec Extraball à l’ancienne Fabrique Tisza. Là c’est un bon vieux  flipper dont les capteurs électroniques ont été branchés par la Cie Soundtrack sur des cartes MIDI reliées là  encore  à des projecteurs de cinéma. Ne manquait que la chanson Flipper de Téléphone en bande sonore….

A la Fabrique également, comme les autres années, dix espaces accueillent des projets d’étudiants ou jeunes professionnels. Mais le graphisme étudiant est à Chaumont surtout dans la rue, avec les affiches du concours étudiant placardées à travers la ville et Iron cubes, 8 containers  disposés à travers la ville et où 8 équipes choisies par leur école présentent aussi leur projet.

Un imprimeur : affiches produites par Lézard graphique
A l’initiative des graphistes Vincent Perrottet et Thomas Huot-Marchand, une cinquantaine d’affiches au format Decaux sont exposées aux Silos à Chaumont pour illustrer la qualité du travail de l’imprimerie sérigraphique Lézard graphique (10 personnes à Brumath en Alsace) animée par Jean-Yves Grandidier depuis 30 ans. Proche de l’illustrateur Tomi Ungerer, Jean-Yves Grandidier est, selon Vincent Perrottet, un des deux seuls imprimeurs  français avec Publidécor (dans l’ouest de la France)à savoir produire à ce niveau de qualité. Des affiches non seulement quadri, mais avec des tons directs voire des couleurs métalliques (or, argenté), et qui nécessitent donc un savoir-faire chimique pour préparer les encres mais aussi une expertise informatique pour « concocter » une trame aléatoire qui saura varier la densité de couleur  tout au long de l’affiche. Pour Vincent Perrottet, « on arrive plastiquement à une qualité d’objet comparable à la peinture. »

Le concours international d’affiches
Last but not least :  le concours d’affiches, cœur historique de la manifestation, et toujours aussi réputé. Le jury 2012 (présidé par Armand Mevis et Linda Van Deursen) a décerné ses trois prix – enfin quatre pour être précis :

1e prix, Frédéric Teschner pour son polyptyque (5 affiches) pour Une Saison Graphique 2011 au Havre
2e prix, Martin Woodtli, Weltformat 10 pour une exposition d’affiches à Lucerne
3e prix ex-æquo : Christophe Gaudard  pour l’affiche des Portes ouvertes à l’Institut Supérieur des Beaux Arts de Besançon
3e prix ex-æquo : Dima Kavko, Futurism. 100 years, un remake de trois affiches iconiques de futuristes italiens et russes

Ce ne sont là que les principales manifestations de ce Festival de Chaumont 2012, que les oubliés (et ils sont nombreux) nous pardonnent, mais vous avez jusqu'au 10 juin 2012 pour leur rendre visite sur place.

Paul Schmitt, juin 2012