PARIS VIII : ATI

Arts et Technologies de l'image

Un pionnier fête ses 20 ans

Depuis sa création en 1984, plus de 500 professionnels de l'image numérique sont passés par la formation ATI.
L'institut universitaire professionnalisé "Métiers des arts et de la culture, filière Arts et Technologie de l'Image" de Paris VIII, plus connue par son petit nom "ATI", vient donc de souffler vingt bougies. À cette occasion, Edmond Couchot, cofondateur et ancien directeur, dresse un bilan et Marie-Hélène Tramus, la coresponsable de la formation avec Hervé Huitric présente le nouveau programme des études prévu pour la rentrée 2005 (sous réserve de validation par le Ministère). Thierry Le Boité - janvier 2005

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Philosophie de la formation ATI
L'enseignement dispensé par ATI a pour vocation de former en trois ans à l'image numérique par un enseignement "qui s'inscrit dans les développements technologiques les plus avancés, au carrefour de l'art et de la science."

Le nouveau système européen baptisé "LMD" comprend une Licence (niveau III après le Bac), un Master (niveau IV et V), et un Doctorat (niveau VI, VII, VIII). Les étudiants qui choisissent la formation ATI arrivent donc au niveau Licence 3 et, après cette première année, obtiendront une licence avec une mention "Arts et technologies de l'image, ATI". L'objectif est de donner à une quarantaine d'étudiants issus soit de la filière artistique, soit de la filière informatique (IUT/BTS) une formation généraliste pratique et théorique en image numérique artistique. Ceci afin de les préparer soit au Master Arts mention "Arts et Technologies de l'Image", soit aux autres mentions du Master du domaine Arts.


Les trois principaux modules de cours sont : Art, histoire et esthétique du numérique, création infographique (2D, 3D, jeux vidéo), et algorithmes et programmation. Marie-Hélène Tramus insiste sur la double compétence, caractéristique de cette formation : "La capacité à évoluer sur le plan artistique n'est pas séparable de la compétence technique qui permet de tirer le meilleur parti des outils. Il s'agit d'échapper aux options standards des logiciels et à cette esthétique par défaut qui caractérise trop souvent la production commerciale et d'être en mesure de créer ses propres modules pour obtenir des effets visuels originaux."

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Master
Le master comprend une année de tronc commun (qui correspond donc à la deuxième année d'études). Puis, en deuxième année du master, les étudiants sont invités à choisir entre deux spécialités : soit "Images numériques et réalité virtuelle", soit "Arts et technologies de l'image virtuelle". Si la première option forme les étudiants spécifiquement à la recherche du secteur public et en entreprise, la deuxième a pour objectif de préparer les futurs professionnels en images numériques à tous les domaines : image de synthèse, mais aussi effets spéciaux, jeux vidéo, multimédia, réseaux et réalité virtuelle. Pour Marie-Hélène Tramus, l'enseignement est bien en phase avec les réalités du domaine du fait que 50% des enseignants sont des professionnels qui exercent une activité, autre que l'enseignement, dans les domaines de l'image numérique. Souvent ce sont des anciens de la formation qui occupent aujourd'hui des postes à responsabilité dans des sociétés audiovisuelles.

Autre point très important : les masters sont adossés à la recherche. Ce qui signifie que les étudiants ont l'occasion de participer aux travaux de l'équipe Image numérique et Réalité virtuelle, composée des enseignants-chercheurs du département. Ces derniers travaillent en particulier sur les thèmes les plus novateurs : l'interactivité intelligente et sensible, les acteurs virtuels interactifs et sensitifs, l'hybridation réel-numérique, la vie artificielle. En fait, ce sont ces thèmes de recherche qui constituent les supports de l'enseignement proposé. Enfin, précisons qu'au cours du master, l'étudiant, seul ou en groupe, devra réaliser une projet artistique accompagné d'un mémoire. Et, pour les plus motivés, après le master vient le doctorat…

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ATI, UN BILAN DE 20 ANS
par Edmond Couchot, professeur émérite des universités.
Edmond Couchot est cofondateur du Département Arts et Technologie de l'Image (ATI) dont il a été le directeur de 1984 à 2000.
(Les intertitres sont de la rédaction)

Au début des années quatre-vingt, le contexte pédagogique et technologique était très différent. Les ordinateurs coûtaient très cher et il n'existait pas de logiciels comparables aux multiples et merveilleuses applications "multimédias" disponibles aujourd'hui. Mais les nouvelles techniques de création d'image par ordinateur nous semblaient très prometteuses et ouvrir un champ d'expérimentation artistique sans précédent et riche de débouchés professionnels originaux. D'où, l'idée partagée par des enseignants venus des arts plastiques, des sciences et de l'informatique, de créer un enseignement spécifique donnant aux étudiants la capacité de pénétrer dans ce nouvel univers et d'en explorer les possibles. Par nécessité donc, mais aussi par volonté, nous avons utilisé pour commencer des logiciels d'image conçus par les enseignants eux-mêmes - ceux d'Hervé Huitric, de Monique Nahas et de Michel Bret, artistes bien connus et pionniers dans le domaine puisque leurs premiers travaux remontent au milieu des années soixante-dix. Ce qui nous a poussés à adopter une philosophie de la création fondée sur une double compétence tentant d'équilibrer et de lier enseignement technique et enseignement artistique.

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Des étudiants opérationnels
L'objectif pédagogique de la formation universitaire ATI (Arts et Technologies de l'Image) permettait aux étudiants d'acquérir les moyens de maîtriser assez profondément les outils numériques en usage dans les professions qui commençaient seulement à émerger. L'enseignement technique où figuraient en bonne place les principes de base de la programmation informatique et l'algorithmique, occupait, et occupe toujours, une partie importante du cursus. Un tel enseignement devait donner aux étudiants la capacité de s'autonomiser par rapport aux contraintes technologiques et d'anticiper sur la très rapide obsolescence des outils - caractéristique technique propre au numérique. L'objectif idéal était de rendre les étudiants opérationnels tout en développant leur imaginaire et leur capacité de création. Cette double compétence artistique et informatique devait constituer une bonne garantie pour que la démarche inventive conserve son indépendance face à une technologie de plus en plus puissante et complexe soumise le plus souvent aux exigences du marché et de l'industrie plutôt qu'à celles de l'art.

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20 ans et 500 diplômés
La filière ATI a cette année vingt ans. Elle a été la première en France, avec l'Atelier d'Image Informatique (AII) de l'ENSAD, à proposer à des étudiants un enseignement dédié à l'utilisation des technologies numériques à des fins artistiques. Les études étaient sanctionnées par un diplôme habilité par l'éducation nationale comprenant une licence et une maîtrise susceptible d'être prolongée par un DEA et un doctorat. Depuis quatre ans, ATI a été transformé en IUP (institut universitaire professionnel Métiers des arts et de la culture) et comprend désormais trois années d'enseignement. [...]
Depuis 20 ans, ATI a formé plus de cinq cents diplômés. Alors que les débouchés professionnels étaient dans les années quatre-vingt assez peu variés et tournés surtout vers la synthèse et l'animation d'images, ils se sont considérablement multipliés avec l'expansion du multimédia et des réseaux. Nos diplômés exercent maintenant les métiers d'infographistes, de scénaristes, de réalisateurs ou de développeurs dans des sociétés d'images de synthèse spécialisées dans le dessin d'animation sur ordinateur, les effets spéciaux, les jeux- vidéo, les réseaux, les dispositifs de réalité virtuelle, et plus généralement dans les sociétés de production multimédia où leur double compétence les fait apprécier particulièrement dans les rapports entre techniciens et créateurs.

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La recherche
Une autre caractéristique d'ATI est la recherche. Il est nécessaire en université de lier recherche et enseignement, car la recherche dynamise fortement l'enseignement. Tous les enseignants font de la recherche. Ils créent de nouveaux logiciels, ils participent à de nombreuses expositions nationales et internationales, ils publient ; ils encadrent aussi les étudiants qui font, après la maîtrise, un DEA et plus tard une thèse. Plusieurs de nos docteurs ont été recrutés dans des universités ou des écoles et forment à leur tour de nouveaux étudiants. Orientée au début des années quatre-vingt vers l'image de synthèse tridimensionnelle animée, la recherche menée actuellement par le centre "Image numérique et réalité virtuelle" (INREV) s'est peu à peu redéfinie et explore des champs nouveaux (réalité virtuelle, synthèse du corps humain, acteurs virtuels, intelligence et vie artificielles, arts de la scène : l'opéra numérique et interactif Comme cela vous chante, présenté à la Villette numérique en 2002 est une des réalisations de l'INREV ; elle met en scène des personnages dotés d'intelligence artificielle en interaction avec des acteurs et des musiciens réels).

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Des moyens insuffisants
Je pourrai donc conclure, devant ce bilan largement positif, comme dans la chanson, par "Tout va très bien, Mme la Marquise". Ce serait passer sous silence les innombrables difficultés que notre formation a connues pendant vingt ans et qu'elle continue de connaître, malgré une apparente bonne santé et sa transformation en IUP. Un manque de moyens d'équipement - notamment informatiques - et de moyens de fonctionnement - pas de maintenance -, un manque d'enseignants et de postes, des locaux insuffisants et inadaptés, et du côté étudiant l'absence de bourses, celles-ci étant réservées aux sciences. Cet état de pénurie ne nous est pas propre ; il a affecté tous les départements d'art créés à partir de 1968 par les universités, surprises par cet enseignement nouveau et non académique, mais il a été plus fortement ressenti par les formations qui tentaient d'utiliser une technologie en accord avec l'évolution des moyens de production artistique. Il n'y a guère eu d'années où nous ne nous sommes posé la question de savoir si la prochaine rentrée allait être possible. Que de perte d'énergie pour simplement survivre ! Et encore, avons-nous eu la chance relative d'être soutenus, de temps à autre, par quelques personnes éclairées qui avaient compris l'importance des enjeux pédagogique et culturel liés aux arts numériques.

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Une volonté politique absente
Si l'intendance n'a pas suivi, la politique non plus. Aucun projet élaboré à un niveau suffisant de compétence et d'autorité, tout au long de la succession des ministères de l'Éducation nationale, n'a su émerger, qui aurait eu pour objet de traiter sérieusement la question de l'intégration des technologies numériques et des rapports de l'art avec la science et l'industrie. Les quelques formations universitaires dédiées à ce type d'enseignement, car il en existe heureusement, ont toujours été très difficiles à mettre en place et à maintenir. Et malgré l'apparition des hyper et multimédias, et des réseaux numériques, après 1990, malgré la demande de formation de plus en plus forte face à l'extension du numérique, force est de constater qu'il n'existe toujours pas de politique cohérente et fédératrice, nécessairement transversale à plusieurs ministères, en matière de formation artistique universitaire aux technologies, capable de donner à chaque cursus des moyens véritablement adaptés et de coordonner les objectifs de ces cursus. Ce qui est extrêmement dommageable pour l'avenir - et le présent - d'un domaine de l'art et de la culture décisif.


Conclusion
Pour ne pas terminer sur une note trop pessimiste, je dois dire qu'il existe aussi des initiatives, plutôt rares mais courageuses, ici et là, à l'intérieur même de nos institutions, qui ont pris conscience des enjeux et qui œuvrent pour changer les choses. (J'ai tenté moi-même d'intervenir dans ce sens quand j'ai été conseillé pédagogique pour les arts en 2001-2002.) Saluons et encourageons ces initiatives, mais ne baissons pas notre garde critique. Tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes numériques possibles.

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