La typo, c'est sérieux!

Typographe, pour mieux jouer avec forme et message, en explorer les frontières.

Après des études de mathématiques et une école de graphisme (Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc à Tournai), Benoît Bodhuin s’installe à Lille en 2003 en tant que graphiste indépendant. Plus par nécessité que par choix : « Les travaux d’exécutant ne m’attiraient pas et les postes créatifs demandaient tous une expérience préalable ! » Ses compétences web (programmation Flash entre autres) lui permettent de vivre, jusqu’à ce que l’un de ses anciens professeurs lui confie la refonte de l’identité visuelle de l’école Saint Luc. Plaquette, conception du logo, de lettrages de titraille, de motifs et d’une typographie, la S-L : ce projet lui sert ensuite de référence, et d’autres commandes suivent. Depuis 3 ans, Benoît Bodhuin a donné une nouvelle inflexion à son parcours, partageant son temps entre l’enseignement de la typographie à e-artsup Lille, plus des workshops dans d’autres écoles, et le dessin de caractères qu’il commercialise sur son site (www.bb-bureau.fr).

La typo, c’est sérieux ?

Benoît Bodhuin a toujours placé la typo au centre de ses projets. En commençant par celui de fin d’études, où il s’est exercé à l’instar d’un Pierre di Sciullo à dessiner une typographie en 3x3 pixels. « La typographie, c’est un jeu dans une bulle fermée. Il faut dessiner à l’intérieur d’un espace réduit avec en plus des contraintes serrées. Cela demande un souci du détail, mais ce n’est pas une discipline froidement géométrique comme on pourrait le croire : c’est très créatif ».

Faire bouger les lettres, travailler la notion de lisibilité, changer le rythme de lecture sont des constantes chez Benoît Bodhuin. Ses polices possèdent souvent plusieurs styles, géométrique ou arrondi, comme la Zigzag. Certaines, telle la linéale Marianne, sont conçues comme multicalques. En variant couleurs et calques, des styles variés émergent. Les juxtaposer, dans un gif animé par exemple, donne un effet « néon clignotant » qui évoque les recherches de l’art cinétique. Avec des préoccupations quelque peu différentes : l’abstraction pure, l’effet hypnotique ne sont pas ici des fins en soi. Benoît Bodhuin navigue entre compréhensible et incompréhensible, entre message explicite et interprétation subjective par le lecteur.

Ses posters, qu’il travaille en sérigraphie pour mieux mettre en scène ses typographies, proposent plusieurs niveaux de lecture. Les lettres y sont visibles et composent un mot, par exemple Dream où on suit un chemin de lettres indiquées par de petits numéros, mais comme un sens caché à découvrir dans une forme graphique. « Il faut prendre le temps d’en débrouiller le sens, d’en découvrir le discours. Et si le lecteur comprend autre chose que mon intention première, c’est très bien aussi. »

Benoît Bodhuin met le cap sur la galerie toutouchic à Metz jusqu’au 6 décembre 2013. Posters et typographies sont du voyage, dont une spécialement conçue pour l’occasion. Une nouvelle invitation au rêve…

Paul Schmitt, novembre 2013