OZ magazine avec Martin Sharp

Le magazine emblématique de la contre-culture à Londres au tournant des années 60-70.

Après le Pink Floyd, voici une seconde raison de programmer une visite du Victoria & Albert museum à Londres: (re)découvrir le magazine underground OZ, contemporain du Flower Power, de l’album Sgt Pepper’s des Beatles et des débuts du Pink Floyd. Le musée vient d’acquérir et exposera bientôt les archives de Felix Dennis, un des éditeurs d’OZ magazine à Londres avec Richard Neville et l’illustrateur et DA Martin Sharp.

OZ magazine a connu sa première vie comme journal satirique de 1963 à 1966 à Sydney en Australie où Richard Neville et Martin Sharp étaient alors étudiants. Une période marquée par le combat contre la guerre au Vietnam, pour le droit à l’avortement et la libération sexuelle, ce qui leur vaudra (déjà) deux procès pour obscénité.

Richard Neville et Martin Sharp émigrent à Londres en 1966 et refondent avec un autre Australien Jim Anderson, OZ magazine à Londres en janvier 1967. Ils seront rejoints en 1969 par Felix Dennis, jusque là contributeur occasionnel et colporteur d’OZ magazine. Produit dans un appartement de Nothing Hill Gate, OZ magazine devient, dès l’été 1967 et la fameuse illustrationPlant a Flower Childde Martin Sharp, un des magazines underground les plus en vue dans le « Swinging London » de l’époque. Ses 48 pages fourmillent d’illustrations et montages photo de Martin Sharp, de dessins de Crumb et d’articles de la féministe Germaine Greer et d’autres contributeurs tous très critiques et provoquants envers les institutions et lois de l’époque. Le numéro 16, The Magic Theatre, paru en novembre 1968, est un monument : entièrement graphique et réalisé par Martin Sharp avec l’aide du réalisateur Philippe Mora, il mêle photo montages, film, happenings, light shows et théâtre en référençant tous les canons de la contre-culture des années 60. Le numéro 28 (mai 1970), entièrement réalisé par des lycéens, est sexuellement explicite avec en morceau de bravoure une BD de Crumb parodiant le personnage pour enfants Rupert Bear en train de dépuceler une accorte demoiselle ! Cela vaudra aux éditeurs Dennis, Neville et Anderson le plus long procès en obscénité de l’histoire britannique. Soutenus par les manifestations de soutien des « Friends of OZ », dont John Lennon et Yoko Ono, les trois éditeurs gagneront en appel en dénonçant la partialité dont le premier juge avait fait preuve à leur encontre. Mais la popularité acquise alors, avec une diffusion à 80 000 exemplaires, s’efface vite et le dernier numéro, OZ magazine # 48, paraît en novembre 1973.

Martin Sharp de son côté poursuit une carrière de graphiste et designer avec des aller-retours entre Londres et l’Australie. Vivant avec Eric Clapton dans la même résidence d’artistes à Londres en 1967, il conçoit les couvertures mythiques des albums du groupe Cream Disraeli Gears (1967) et Wheels of fire (1968). Son poster de Bob Dylan (1967) est aussi un classique psychédélique. L’art de Martin Sharp, influencé par l’Art nouveau et Leonard de Vinci, est à l’opposé de l’art moderniste et conceptuel d’Hipgnosis travaillant pour Pink Floyd à la même époque : couleurs pastels, dessins fouillés remplissant totalement l’espace en font un appel à l’émotion, à la sensibilité. La révolte, certes, mais en version Flower Power.

Paul Schmitt, juin 2017