Simon Renaud Anamorphosis

Un graphiste et typographe passionné par les rapports entre écriture et lecture, signe et nouvelles technologies.

 Né en 1981, graphiste diplômé des Arts décoratifs de Strasbourg (2004), Simon Renaud  poursuit avec un post diplôme aux Beaux-Arts de Cracovie (2005) puis commence son activité à Lyon et travaille avec Jérémie Nuel. Quelques années plus tard, le duo décide de s’installer à Paris et de fonder le collectif “A is a name” qui durera 10 ans jusqu’en septembre 2014, où Simon Renaud démarre son activité en solo. Simon intervient aussi régulièrement pour animer des workshops dans diverses écoles dont l’Esad à Amiens. Et compte le Cnap et sa propre école HEAR (Haute école des arts du Rhin, fusion des Arts Décos de Strasbourg et de l’école supérieure des Arts de Mulhouse) parmi ses clients.

L’influence du graphiste et typographe Pierre di Sciullo le pousse dans une voie de recherche formelle et conceptuelle, qui favorise l’expérience de lecture plus que la lisibilité. Le rapport écriture et lecture, l’automatisation, les nouvelles technologies et les machines numériques sont des fils conducteurs dans ses travaux. «  J’aime partir du constat que le processus de lecture est surtout lié à des habitudes de lecture. Ainsi mes polices «Elementary Type» troublent ces habitudes justement en se situant aux limites de la lisibilité et d’une lecture confortable. Dans ce travail, une lettre isolée est illisible mais lorsqu’elle est placée dans un mot on parvient à l’identifier. La série se poursuit actuellement sous une nouvelle forme où j’esquisse désormais un retour aux linéales informatiques construites à partir de pixels, tout en préservant les saveurs d’un dessin irrégulier. C’est un retour à une esthétique plus numérique qui me convient. »

Pour son exposition actuelle, à la galerie Toutou Chic de Metz jusqu’au 20 mars 2015, Simon Renaud s’est concentré sur Anamorphosis, une Blackletter contemporaine dessinée à partir d’une grille 3D tout en restant proche de son modèle : la Textura. La Textura ou écriture gothique est l’alphabet prédominant en Europe pour les manuscrits et livres jusqu’au XVIIème siècle, et a perduré en Allemagne jusqu’en 1941 quand Hitler l’a interdite car il la jugeait « trop juive », trop semblable à l’alphabet hébreu.

Simon Renaud démarre son projet avec l'envie de dessiner une Blackletter dans un contexte de généralisation du dessin en trois dimensions. Dans un premier temps, la construction des lettres est reprise en la restreignant à une interprétation en trois dimensions. Leur forme très droite et angulaire facilite cette interprétation vers une forme très géométrique. Chaque lettre doit et est dessinée dans une grille spécialisée selon les principes de la perspective axonométrique. Par la suite, les lettres qui semblent trop archaïques sont redessinées pour estomper les possibles problèmes de lecture. Les modèles datant de la période médiévale sont souvent trop complexes, il fallait donc reprendre les lettres qui posent problème et repartir dans un dessin plus similaire au modèle humaniste.

Le dessin de type Textura donne un fort contraste entre le texte et le papier qui peut s’apparenter à une graisse proche du «bold». L'idée est de garder cette graisse comme point de départ pour la version «plane» et de l’accompagner de caractères plus maigres et plus contemporains. La version «outline», en repartant de sa construction en 3D, s’articule sur le squelette de la lettre et rend compte de son volume. La version «line», sorte de squelette du caractère, complète la série en proposant une version light. Chez Toutou Chic, les trois formes sont présentes, y compris des réalisations en volume matérialisant le dessin en 3 dimensions. Quand la géométrie réinvente la tradition…

Paul Schmitt, mars 2015