Gaston Lagaffe

L’antihéros par excellence.

Imaginé par Franquin, le créateur de Spirou, et le rédacteur en chef du magazine Spirou Yvan Delporte, Gaston Lagaffe est à ses débuts en février 1957 un « héros sans emploi ». Les deux compères l’ont imaginé pour s’amuser et pour animer les rubriques de Spirou avec les dessins de ce personnage foutraque et à l’opposé des autres héros authentiques  qui peuplent les pages du magazine. Succès total : Gaston devient vite incontournable. Franquin, avec l’aide du dessinateur Jidéhem, l’installe dans sa propre série hebdomadaire, et dans un format qui ne cesse de grandir : un strip de 3 cases en 1957, puis la moitié inférieure de la 1ère de couverture de Spirou et, à partir de1966, une série pleine page.

Gaston le gaffeur est entouré d’une foule de personnages secondaires qui s’agrandit au fil des ans: l’homme d’affaires M. de Mesmaeker ; les autres membres de la rédaction imaginaire de Spirou dont le comptable M. Boulier et son amoureuse Mlle Jeanne ; ses copains de gaffes Jim et Jules de chez Ducran&Lapoigne en face ; ses animaux de compagnie dont son chat et sa mouette rieuse ; et enfin sa voiture antédiluvienne que l’agent Longtarin poursuit assidûment pour la verbaliser. L’agent Longtarin devient d’ailleurs un protagoniste de plus en plus important pour Gaston dans les années 80 au fur et à mesure que Franquin cultive son côté anarchiste, anti-autorité.

En 1967, exit par contre le personnage de Fantasio (dont Franquin cède les droits l’année suivante avec ceux de Spirou), au profit de Brunelle, nouveau chef de bureau. Franquin, assisté à l’occasion d’autres dessinateurs, continue d’assumer sa planche hebdomadaire de Gaston même pendant sa période « noire » des années 80 et ce jusqu’à sa mort en 1997. Au total, plus de 900 planches d’une BD qui est sans conteste l'oeuvre la plus personnelle de Franquin.

Gaston Lagaffe séduit par son anticonformisme bien avant mai 1968. Négligé d’apparence en pull élimé à col roulé vert, jeans et espadrilles, il fuit le travail productif pour se consacrer à des idées parfois poétiques et à des inventions plus saugrenues les unes que les autres. L’antithèse du « jeune cadre dynamique » en costume-cravate et attaché-case qui est le modèle à l’époque.

Le graphisme de la BD est à l’opposé du caractère indolent de Gaston. Vivacité des gags, précision des traits, foisonnement et intensité du dessin : rarement bande dessinée n’a été aussi dynamique, explosant de mouvement et de rythme. Et l’extraordinaire sens de l’humour de Franquin fait merveille, avec un comique de l’absurde qu’il sait ramasser en quelques cases.

Contrairement à Spirou ou au Marsupilami, le personnage de Gaston Lagaffe n’a pas été repris par d’autres. Ouf… Et raison de plus pour les (toujours nombreux) fans de se rendre en pèlerinage à l’exposition que la BPI, bibliothèque du Centre Pompidou, offre à Gaston pour ses soixante ans jusqu’au 10 avril 2017.

Paul Schmitt, février 2017