Mapplethorpe au Grand Palais et au musée Rodin

Un sculpteur dans l’âme, habité par la question du corps et de sa sexualité.

Peut-être le dernier sculpteur classique… Les photographies de corps en noir et blanc par Robert Mapplethorpe éblouissent souvent par leur beauté formelle, leur composition classique qui fait référence aux grands sculpteurs comme Michel-Ange. En 1980, Lisa Lyon, championne de bodybuilding au corps sculpté et sculptural, devient sa muse parce qu’elle lui rappelle les modèles de Michel-Ange qui a sculpté des femmes musclées.

Le parallèle avec Rodin est lui aussi saisissant, comme le souligne l’exposition au musée Rodin du 8 avril au 21 septembre 2014. Un dialogue inattendu entre ces deux artistes, où sept thèmes retenus par les commissaires servent de fil rouge aux rapprochements qui sont à la fois formels, thématiques et esthétiques. Mouvement et Tension, Noir et Blanc/Ombre et Lumière, Erotisme et Damnation sont quelques-unes de ces grandes problématiques traversant l’oeuvre des deux artistes.

Robert Mapplethorpe se serait bien vu sculpteur, mais à une autre époque. Dans les années70, c’est la photographie qui lui apparaît comme « le medium parfait pour une époque où tout allait vite ». Il s’y plonge avec délice, cherchant « la perfection dans la forme. Dans les portraits. Avec les sexes. Avec les fleurs. […] De façon qu’on puisse voir qu’il s’agit de la même chose  »

L’exposition au Grand Palais est construite autour de cette définition par Mapplethorpe de son art. Première grande rétrospective depuis l’exposition de 2008 à la galerie Thaddaeus Ropac, elle présente jusqu’au 13 juillet 2014 quelque 250 photographies couvrant ces différents thèmes de son œuvre.

Les sujets n’en sont donc pas toujours classiques. Au-delà de Lisa Lyon, Robert Mapplethorpe s’intéresse beaucoup au corps masculin… et à son sexe, mis en scène de façon très explicite voire pornographique. Les photos les plus osées de l’exposition au Grand Palais sont même regroupées dans une pièce interdite aux moins de 18 ans…

Mapplethorpe explore le désir, la magie du sexe, en photographie comme dans la vie. Et il vivra cette époque de libération sexuelle jusqu’au bout, emporté en 1989 par l’épidémie de Sida qui décime la communauté gay de New York. Une destinée tragique qui a longtemps éclipsé l’essentiel, sa sensibilité d’artiste et sa quête esthétique.

Clémentine Gaspard, mars 2014