Harry Potter et les reliques de la mort - 1ère partie

Plus sombre, plus adulte, la saga Harry Potter grandit avec ses héros.

La fin est proche pour la saga Harry Potter, une fin qui marquera la conclusion d’une aventure qui aura duré dix ans pour l’équipe technique. Un travail quasiment à temps plein, un défi technique à chaque fois renouvelé, et un septième opus qui repousse les limites du genre avant l’apothéose finale, en juillet 2011.
C’est sans doute le maquilleur effets spéciaux Nick Dudman qui a le mieux résumé la philosophie de la saga Potter sur le plan technique : “Ces films constituent une opportunité formidable pour mes collègues ou moi-même. On a un budget confortable, des délais raisonnables, la meilleure équipe dont on puisse rêver, et de superbes designs à mettre en image, sans compter qu’on sait que ce travail va être vu par des millions de spectateurs, ce qui est toujours gratifiant…”
Une opinion que partage Tim Burke, superviseur général des effets visuels depuis le troisième opus en 2004. “Ces films nous donnent l’occasion de travailler dans toute la gamme des effets visuels : animation de personnages, environnements 3D, effets de fluides, compositing, etc. Chaque film présente son lot de défis techniques et artistiques, avec des créatures souvent inédites au cinéma. Dans Harry Potter et les Reliques de la Mort - 1e Partie, il y a plus de 1000 plans à effets visuels. Et il y en aura quasiment 1500 dans la seconde partie ! En réalité, une bonne partie de ces effets passent inaperçus à l’écran. Bien sûr, on remarque les créatures et tous les effets à caractère « magique », mais cela ne concerne qu’une partie de notre travail. Nous devons parfois gérer des effets purement « pratiques ». Par exemple, pour ce film, Ralph Fiennes (Voldemort) et Michael Gambon (Dumbledore) n’ont pas pu tourner ensemble : leurs plannings respectifs ne correspondaient pas. Résultat, les scènes avec les deux personnages ont été tournées avec au moins un des deux acteurs sur fond vert, et finalisées au compositing. Même Emma Watson (Hermione) a bénéficié du même traitement : comme elle est entrée à l’Université, elle n’était disponible que pendant les vacances scolaires !”

L’Écosse en studio
Les films de la saga comportent également des dizaines d’effets « invisibles » liés aux scènes en extérieurs autour de Poudlard, l’école des sorciers. En réalité, les acteurs n’ont jamais mis les pieds dans ces paysages… “Cela date du troisième film, Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban. Cet épisode impliquait plusieurs semaines de prises de vues en extérieurs, en Écosse, mais le temps a été tellement mauvais que le tournage a pris un retard considérable. Du coup, ça a chamboulé toute la postproduction. Les problèmes ont été tellement considérables que la production a décidé que plus jamais, les acteurs principaux ne seraient filmés en extérieurs loin de Londres. Depuis le quatrième film, les paysages sont enregistrés par une seconde équipe, sans les acteurs principaux. Puis, Daniel Radcliffe (Harry) et ses partenaires sont filmés dans l’enceinte du studio, devant un fond vert en extérieur (pour avoir une lumière réaliste). Ensuite, les deux prises de vues sont combinées par compositing. Cette approche nous permet de placer les acteurs dans tous les types de paysages, sans jamais soumettre l’équipe principale aux aléas de la météo. De cette façon, le plan de tournage est toujours respecté. Mais cela fait autant de plans à effets visuels qui viennent s’ajouter à un planning déjà bien chargé !”
Ce septième film présentait un défi supplémentaire dans la mesure où la partie 1 et la partie 2 ont été tournées simultanément. Un tournage « hénaurme » qui a duré près de 280 jours. Pour des raisons pratiques, il s’est avéré impossible de filmer la première partie avant d’attaquer la seconde : les deux films ont été tournés scène par scène sans souci de continuité. Certaines scènes du premier épisode ont ainsi été filmées en dernier, ce qui n’a laissé que trois petits mois à l’équipe pour finaliser les effets visuels correspondants ! “En fait, la fin de la 2e Partie a été tournée alors qu’on n’avait même pas filmé la moitié de la 1e Partie… L’inverse aurait été préférable, mais bon, c’est le plan de tournage qui voulait ça.”

Poudlard en images de synthèse
Comme pour tous les films depuis le troisième opus, la majorité des effets visuels a été confiée aux quatre géants britanniques de la profession : Double Negative, The Moving Picture Company (MPC), Framestore et Cinesite. Tim Burke n’hésite pas à modifier la répartition des effets de film en film. Ainsi, les sombrals (chevaux ailés) sont passés d’ILM à MPC, tandis que Cinesite a récupéré les effets de Voldemort que MPC avait réalisés sur les trois films précédents. “Je connais bien ces sociétés, et je répartis les plans en fonction des points forts de chacune. Par exemple, MPC et Framestore ont une grande expérience en matière d’animation de personnages, tandis que Double Negative maîtrise à merveille les environnements créés par ordinateur.”
De fait, Double Negative a hérité d’un effet qui révolutionne les coulisses de la saga : la création de Poudlard, l’école des sorciers, en images de synthèse. Depuis le premier film, le château médiéval était représenté à l’écran par une immense miniature de douze mètres de côté. Filmés sur fond vert ou dans des décors partiels, les acteurs étaient intégrés dans cet environnement miniature, tandis que des paysages tournés en Écosse étaient incrustés à l’arrière-plan.
Pour le septième opus, Tim Burke a estimé qu’il était temps de franchir le pas et de passer au tout numérique. “On n’aurait pas pu le faire il y a deux ou trois ans, mais aujourd’hui, la technologie a fait suffisamment de progrès pour qu’on puisse recréer Poudlard en 3D sans qu’on ne voie de différence avec le château des films précédents. J’ai pris cette décision en 2008. Le dernier film comporte une énorme scène de bataille dans et autour de Poudlard, et il aurait été très difficile d’obtenir tous ces plans, surtout les effets de destruction, avec la maquette. Du coup, Double Negative a reconstitué le site en 3D. La miniature a été scannée sous tous les angles afin de fournir la géométrie de base. Ensuite, l’équipe de Dneg a photographié des dizaines de vieux châteaux pour obtenir les textures nécessaires : façades, détails architecturaux, vieilles pierres, etc. Grâce à ce travail, nous avons pu placer la caméra où nous voulions autour de Poudlard, réaliser des mouvements de caméra sans limitation d’espace, et bénéficier d’une plus grande réactivité. Avec le recul, c’était la meilleure décision à prendre : jamais nous n’aurions pu faire ces deux films avec la seule maquette.”

Harry Potter en moto side-car face aux Mangemorts
Le « clou » du film est sans conteste la poursuite effrénée au cours de laquelle Hagrid pilote une moto side-car volante autant que roulante, avec Harry comme passager, tandis que les Mangemorts, des spectres invulnérables, les poursuivent dans le ciel. La scène multipliait les défis : l’animation des Mangemorts, avec leur traînée de fumée noire créée en simulation de fluide, l’incrustation de la moto à contre-sens dans le trafic routier, les effets de trajectoire « magique » du véhicule, comme lorsqu’il grimpe sur un mur pour éviter un obstacle… Suivant les plans, le side-car était soit un véhicule animé en 3D, tout comme ses passagers, soit un vrai side-car dans l’environnement réel, avec deux cascadeurs au volant – ce qui impliquait le remplacement de leur visage par ceux de Robbie Coltrane et Daniel Radcliffe – soit les deux acteurs filmés en studio sur fond vert. Le side-car était alors monté sur un support motorisé piloté par ordinateur : ses mouvements suivaient la trajectoire du véhicule déterminée par prévisualisation 3D.

Cette dernière approche était tout aussi complexe que les deux autres, car Robbie Coltrane devait être filmé séparément de Daniel Radcliffe. Le géant Hagrid est en effet l’un des personnages que l’on considère comme « acquis » lors de la vision des films, mais qui exige pourtant un travail de compositing très pointu. Pour apparaître comme un géant à l’écran, Robbie Coltrane est toujours filmé à part, sur fond vert. Son image est ensuite agrandie de 25% et intégrée dans la scène avec les autres acteurs. “Dans le cas de la scène du side-car, nous avons opté pour une technique hybride : Daniel a joué la scène avec une doublure qui tenait le rôle de Hagrid, un acteur très grand et très massif. Ensuite, nous avons incrusté la tête de Robbie Coltrane à la place de celle de la doublure. Nous nous sommes servis des longs cheveux et de la barbe du personnage pour établir une transition invisible.”

Sept Harry Potter ensemble à l'écran
La longue séquence de la poursuite est précédée d’une scène cocasse et inattendue : afin de désorienter les Mangemorts, les amis de Harry prennent tous du Polynectar, une potion qui leur donne l’apparence de l’apprenti-sorcier. Harry Potter se retrouve alors avec six doubles parfaits, mais dont le langage corporel est celui de chacun de ses amis. “Nous avons filmé sept fois la scène avec une caméra à motion control qui reproduisait le même mouvement à l’identique. À chaque prise, Daniel Radcliffle interprétait l’un des Harry, tandis que des doublures représentaient les autres. Cela a été une scène très difficile pour lui car il y avait beaucoup d’interactions entre les Harry, et en outre, Daniel devait reproduire le langage corporel de ses partenaires. Par exemple, il devait donner l’impression que c’était Emma Watson qui occupait ce corps ! Même chose pour les autres Harry. Il s’en est superbement sorti !”

Capture faciale et animation
La transformation des six personnages a été réalisée en animation 3D. L’effet reposait sur le système de capture faciale Contour de la société Mova. Le procédé a déjà fait ses preuves sur L’Incroyable Hulk, Benjamin Button, ou Percy Jackson. Il permet de capturer les mouvements faciaux d’un interprète pour les transposer sur un visage numérique. “La technique ne demande aucun traqueur facial. Pas la peine de tracer des dizaines de points sur le visage comme on le faisait jusqu’alors. Il s’agit d’un maquillage à base d’UV et d’éclairage par lumière stroboscopique. Cela nous donne une reproduction parfaite du visage de l’interprète en train de jouer la scène. Nous avons également utilisé ce système pour la scène du vol en Sombral. L’animation de la créature et des héros a entièrement été réalisée en 3D, mais le système Contour nous a permis de transposer l’interprétation des acteurs sur leur doublure numérique.”
Le Sombral fait partie des créatures déjà vues que l’on voit réapparaître dans ce septième opus, tout comme les elfes Dobby et Kreattur. Bien que ces personnages aient été modélisés et texturés pour des films précédents, ils ont été entièrement revus pour ce nouveau film. Un processus normal sur la saga, puisque la technologie évolue tellement vite que, d’un film à l’autre, il devient nécessaire de recommencer telle ou telle créature à zéro. “La production a toujours misé sur la qualité,” conclut Tim Burke. “Parfois, il y a plusieurs solutions pour réaliser un effet, et souvent la meilleure est aussi la plus chère, mais dans ce cas-là, ils n’hésitent pas : c’est la meilleure option qui est choisie. C’est sans doute pour cette raison que le studio a réussi à maintenir un même niveau de qualité sur autant de films. Et ce sera encore plus vrai sur le prochain épisode : il s’annonce comme le plus grandiose et le plus spectaculaire de la saga !”

Alain Bielik - Novembre 2010
(commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 19 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.


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