Jack et la Mécanique du Coeur

Mathias Malzieu, leader du groupe Dionysos, réalise une comédie musicale sentimentale, fantastique et dramatique à la fois !

D'abord roman (2007) album du groupe Dionysos (2007) repris en tournée live, et enfin long métrage d’animation : Jack et la Mécanique du Cœur est un projet au long cours de Mathias Malzieu dont la dernière (?) étape sort ce 5 février 2014 en salles. Un cours d’autant plus long que le fabrication du film a été interrompue en 2011  par la faillite de Duran Duboi,  premier studio en charge du projet, avant d’être reprise par le studio belge Walking the dog après moult péripéties judiciaires et techniques.
Heureusement, Mathias Malzieu et Stéphane Berla (voir sa biographie en commentaire de sa photo), qui réalisent là leur premier long métrage, ne se sont pas  découragés et nous livrent un film poétique et surréaliste à la fois, conforme à la sensibilité de Mathias, et dont  Stéphane Berla nous détaille les intentions.

Un film en gestation depuis 2007
Fin 2007, Mathias Malzieu rencontre Luc Besson et Virginie Silla-Besson sur le plateau du Grand Journal de Canal+ où il présente l’album et le clip de Jack et la Mécanique du Cœur. Un clip réalisé déjà par Stéphane Berla, avec un look inspiré du design de l’album par Johan Sfar et qui ne sera pas repris pour le film. Car dès 2008, tout en continuant sa tournée avec Dionysos,  en équipe avec les Besson, Mathias Malzieu écrit le scénario d’un long métrage, appelle Stéphane Berla à ses côtés et  demande à l’illustratrice Nicoletta Ceccoli de travailler sur le design des décors et des personnages.

« Nous avions l’idée avec Mathias de pantins en bois parce que nous aimons le rapport à la matière, même si nous avons choisi l’image de synthèse pour faire le film. Et si nous avons choisi un style expressionniste pour les décors, textures et matériaux restent tangibles, vrais.  Le style pop surréaliste de Nicoletta, avec sa sensibilité féminine, vient compléter cela avec des visages doux, comme en porcelaine. »

Animation et personnages
« Nous aimons les contrastes, nous avons imaginé le film comme un train fantôme où alternent moments doux et accélérations brutales, y compris en animation. En plan large, l’animation est très marquée, avec des mouvements et des angles, comme des marionnettes : on est en mode « stop motion », pas du tout en « squash and stretch » type cartoon. Nous voulions de la stylisation et de l’expressivité pour y donner un côté ludique, Plus on se rapproche, plus les mouvements deviennent humains, surtout ceux des yeux. On devient réaliste pour retrouver une touche humaine. »

« Les personnages doivent être touchants, c’est une histoire d’amour. Le visage ne doit pas être animé comme une marionnette, les yeux sont très importants. Nous avons au début fait un test, en filmant les yeux des acteurs pour les coller sur les personnages dessinés. Cela fonctionnait, avec peu de choses sur les yeux l’émotion passait : nous avons ainsi trouvé notre style. Et on a fait un long travail sur les yeux, aussi bien en design qu’en animation»

Décors : Extraordinarium, etc
« Le brief pour l’Extraordinarium en Andalousie était un équilibre entre décor de western et cirque de freaks, en plus exubérant, et Nicoletta Ceccoli a parfaitement répondu à cette attente.
Une équipe d’illustrateurs a mis notre vision en place : 3 pour les décors, 1 pour les expressions, 1 pour les lumières, 4 pour le storyboard, plus le matte painting, etc.»

Walking the dog à la rescousse
Après un storyboard détaillé à l’été 2009, l’animatique 2D est réalisée en septembre 2009, et l’animatique 3D fin 2009.La production démarre en 2010, avec enregistrement des voix en juin-juillet 2010. Après la disparition du studio Duran Duboi en 2011, Mathias Malzieu et Stéphane Berla se sont  tournés en 2012 vers le studio bruxellois Walking the dog, qui avait déjà travaillé avec Europacorp sur le rendu d’Un Monstre à Paris, sur le film d’animation franco-irlandais Brendan et le secret de Kells et également contribué au film français Le Jour des Corneilles. Un studio qu’ils ont trouvé « en phase artistiquement, avec des outils techniques adéquats ». Tout a été ensuite produit en Belgique, en mobilisant des artistes venus de toute l’Europe. L’effectif a atteint en pointe 120 personnes, dont 37 animateurs.

« Nous avons concentré nos moyens d’abord sur les personnages, pour qu’ils dégagent une force émotionnelle. Ensuite, sur les décors principaux : l’atelier de Madeleine, l’Extraordinarium. Et enfin sur les voyages, sur ce qu’on veut raconter. Nous avons évité le photoréalisme au profit d’un traité poétique pour concilier grand spectacle et nos moyens limités. Le voyage en Andalousie est un voyage en papier, une technique artisanale, cohérente avec ce qu’aurait fait Méliès.
Nous avons utilisé l’image de synthèse et des techniques sophistiquées, mais en gardant un côté bricolé. Mathias aime l’art brut, qu’on voie les artifices tout en restant esthétiquement beaux. »

Pari réussi, Jack et la Mécanique du Cœur est un feu d’artifice très séduisant et qui fait honneur par sa sensibilité et son originalité à l’animation  française.

Paul Schmitt, février 2014