Entretiens avec Philippe Gluckman, VFX Supervisor, et Philippe Denis, CG Supervisor, Dreamworks

NB : beaucoup d'images sont doublonnées dans la galerie ci-jointe par suite d'un bug du programme. Merci de nous en excuser, et bonne consultation.

Entretien avec Philippe Gluckman, Superviseur Effets Visuels :

Philippe Gluckman a supervisé les effets visuels de Madagascar (voir notre making-of dans cette rubrique) après avoir co-supervisé les effets visuels de Fourmiz et Shrek 2 et avoir travaillé comme superviseur de séquences sur Shrek. Philippe Gluckman entre chez PDI/DreamWorks en 1994 en tant qu’animateur senior/directeur technique, après avoir collaboré à des films comme Batmanet Robin et Batman Forever ainsi qu’à de nombreux spots publicitaires.
Formé à l’École Nationale des Arts Appliqués de Paris, il a débuté comme animateur traditionnel dans deux studios parisiens : Storyboard et la Cartoon Farm et a occupé un poste d’animateur senior chez Ex Machina à Paris sur divers projets : pubs, attractions pour parcs à thème, etc.

Pixelcreation : Comment voyez-vous votre job?
Philipe Gluckman : Il s'agit de superviser tous les aspects visuels, les effets,le lighting, tout ce qui se passe après l'animation, pour traduire en images la vision du Production Designer (ndlr : Guillaume Aretos, un autre « Frenchie » également interviewé dans cet article). Ce film m'a occupé  18 mois, et j'avais 60-70 personnes avec moi : 4 équipes de 7 lighters, 20 à 25 personnes pour les effets, plus 20 autres à des postes divers.

Pixelcreation : Avec un travail important sur les personnages ?
Philippe Gluckman : Nous avons repoussé les limites pour mieux coller au design sur tous les personnages. Nous avons travaillé design et mouvements pour les cheveux, et aussi les gags pour les vêtements. La veste de Shrek par exemple glisse sur ses épaules, et il change plusieurs fois de vêtements dans ce film. Du coup, nous simulons presque tous les vêtements dans Shrek 3 alors que seule la jupe de Fiona était simulée dans le premier film. Même chose pour les manches de Merlin ou les robes des princesses. Le problème est de gérer les différentes couches de simulation qui interagissent ensemble.

Pixelcreation : Qu'avez-vous amélioré pour les éléments : liquides, feu, etc. ?
Philippe Gluckman :L'océan est un système repris de Madagascar et affiné : les vagues sont placées et  contrôlées à la main grâce à des courbes, tandis que l'écume est simulée avec des particules que nous rendons dans notre système propriétaire PARender. Le vomi des bébés de Shrek provient d'un simulateur de liquides développé depuis Fourmiz et que nous utilisons aussi pour la boue. Les effets de magie liés à Merlin sont nouveaux dans ce film, mais le challenge est plutôt créatif que technique. Pour le feu, les flammes sont des particules réalistes simulées, mais la nouveauté est que le lighting travaille avec de la géométrie pour en générer la lueur.
Tous ces effets se veulent réalistes, mais avec une marge tant qu'on reste crédible : le feu se propage plus vite qu'en réalité, mais sans tomber dans un style cartoon qui n'est pas de mise ici. Et pour montrer au réalisateur le résultat par avance, nous faisons souvent des animatiques.

 

 

Entretien avec Philippe Denis, CG Supervisor :

Né à Toulon, Philippe Denis a grandi à St Benoit des Ondes avant d'obtenir un BTS en ingéniérie mécanique au lycée Louis Armand à Nogent sur Marne. Il a commencé sa carrière 3D au studio LBO à Bruxelles avant de rejoindre PDI/Dreamworks à San Francisco. Il y a travaillé comme lighter (éclairagiste)sur leur premier long métrage 3D, Antz (Fourmiz), puis sur le premier Shrek. Il est passé « lead lighter » (chef éclairagiste)sur Shrek 2 et CG Supervisor sur Madagascar et Nos Voisins les Hommes (voir nos deux making-of dans cette rubrique). Philippe a aussi réalisé des effets visuels sur des films « live » comme Minority Report.

Pixelcreation : Quel a été votre rôle dans ce film?
Philippe Denis : Mon rôle a consisté à diriger une équipe de lighters pour gérer la lumière dans les plans qu'on nous confie et faire en sorte que la séquence fonctionne. Nous avons travaillé sur le réveil dans le château, l'attaque des princesses, l'arrivée sur la plage, l'attaque des pirates dans la clairière devant Merlin, et sur les séquences de fin qui se déroulent sur une scène. Moi-même, étant pris par Nos Voisins les Hommes, je suis arrivé tardivement sur ce film et y ai travaillé 9 mois, alors que le reste de l'équipe y a passé 12 mois.

Pixelcreation : En quoi Shrek 3 se différencie de ses prédécesseurs pour le lighting?
Philippe Denis : Le look des films est bien connu, et il ne s'agissait pas de le changer mais de « pousser les images » pour un meilleur rendu. Nous avons beaucoup utilisé la méthode d'illumination globale, que nous appelons bounce lighting, et qui s'appuie sur les éléments de la géométrie des scènes pour les éclairer. Dans Shrek 2, nous l'avions utilisée seulement pour les personnages et quelques scènes, mais avec l'augmentation de puissance des processeurs nous avons généralisé son usage dans Shrek 3. Il a fallu pour cela changer nos méthodes, notre set-up, mais cela donne plus de douceur dans les ombres, une meilleure correspondance entre éléments. Nous avons aussi utilisé un peu le volume rendering pour un look plus brumeux, par exemple pour le cauchemar de Shrek. Pour tout cela, pour générer lumières et shaders, nous utilisons nos outils internes.

Pixelcreation : Les effets aussi sont travaillés en lumière....
Philippe Denis : Oui, les flammes en particulier sont maintenant des sources de lumière alors qu'avant il fallait régler les spots dessus. Les cheveux sont délicats à gérer en illumination globale car trop compliqués; pour les personnages secondaires, nous avons utilisé une forme simplifiée de tignasse pour simplifier le travail. Autre truc : utiliser du blur pour adoucir quand il y a illumination directe dans la géométrie. Pour les ombres, la technique a évolué et permet des contours plus doux, en particulier pour la forêt, avec ses arbres, ses trous de lumière.
Paradoxalement, les scènes les plus simples ne sont pas forcément les plus faciles. Par exemple, l'arrivée sur la plage inclut juste quatre personnages, le ciel, la plage et l'eau, mais régler l'éclairage directement est délicat car l'oeil ressent plein de détails. Dans une scène plus compliquée, il y a quantité de choses à gérer mais du coup on peut plus facilement tricher sans que cela se voie...

Pixelcreation: Avez-vous déjà embrayé sur un autre film?
Philippe Denis : Je travaille actuellement sur le court métrage Shrek the Halls, un 25' destiné à la TV et qui sera diffusé à Noël. Le titre fait allusion à une chanson Deck the Halls (Décorez les halls). De quoi m'occuper jusqu'à l'été!

Paul Schmitt, juin 2007

Ecume (et planches) : de l'esquisse à la vue finale en passant par animation, effets et lumières.