Andy Warhol portraits

Andy Warhol revisite la tradition du portrait officiel de célébrités… façon Pop Art

Doué d’un talent inné pour le dessin, Andy Warhol entre dans l’univers artistique des années 50 par le biais d’images publicitaires à l’instar de ses prédécesseurs James Rosenquist ou Roy Lichtenstein. Il devient illustrateur pour des magazines comme Vogue ou The New Yorker dans lesquels il se fait remarquer grâce à des dessins de chaussures et d’accessoires. De ces années, il gardera l’agilité de la main, la vivacité du trait, de la pose et du choix des couleurs que l’on retrouvera sans cesse dans la majeure partie de ses oeuvres, même les plus tardives.

1962 est une année décisive à deux titres. D’une part cette année-là, le monde de la consommation et de la publicité devient son univers distinctif. Il s’attaque à des poncifs de la société comme les soupes Campbell, les bouteilles de Coca- Cola ou encore les boîtes de lessive Brillo. Des produits communs qu’il met en image grâce au procédé sérigraphique. Dès lors il consacre les notions de quantité et la répétition, sans pour autant négliger la qualité. Andy Warhol se fait alors le messager d’une conscience collective esthétisée, de cette « American way of life » prospère.D’autre part 1962, c’est aussi la mort énigmatique de Marilyn Monroe dont s’emparent les médias. Warhol s’y intéresse également mais son objectif est différent. A partir de photographies diffusées dans la presse, il réalise une série de portraits de l’actrice et hisse pour la première fois dans l’histoirede l’art une star au rang d’icône, à l’instar de celles, religieuses, qu’il admirait enfant dans une église orthodoxe de Pittsburg. Une idole qu'il désacralisera avec les multiples reproductions. Il devient alors un des artistes majeurs du Pop Art.

Comme pour Marilyn Monroe, Liz Taylor ou encore Elvis Prestley, il commence en 1968 une extraordinaire série de portraits de célébrités. Jackie Kennedy, Willy Brandt ou encore Yves Saint- Laurent, Mike Jagger, le président Carter, Gérard Depardieu, Paloma Picasso, tous passeront devant son objectif et sur ses toiles. Andy Warhol déchiffrera au mieux le mécanisme du culte des stars. Dans cette série, s’impose le « style Warhol » – couleurs vives, technique graphique, gros plan sur le sujet.

Mais c’est en 1972, qu’il commence une grande série de portraits sur les plus grands et puissants dirigeants politiques du XXe siècle : Mao Zedong, la reine Elisabeth II, Lénine ou encore Ronald Reagan et Ted Kennedy, ... En effet, son portrait du dirigeant communiste chinois, Mao Zedong, en 1972 marque le retour deWarhol à la peinture – et sérigraphie – après s’être en partie consacré à sa carrière de réalisateur. Cette idée de travailler sur une personnalité reconnue mondialement lui est soufflée par le marchand d’art, galeriste   collectionneur suisse Bruno Bischofberger. Dans un contexte politique de guerre froide, le président Nixon entreprend une visite officielle en Chine et Mao occupe le devant de l’actualité. Warhol fait son choix, il s’accapare le portrait officiel du dirigeant, mais va plus loin en le détournant. Il joue alors avec cynisme sur le concept de culte de la personnalité, le décline sur divers supports et en éditions multiples comme un objet publicitaire. Warhol réussit un tour de force sans précédent : mêler composante de la propagande communiste et publicité capitaliste. Une démarche volontaire car l’artiste est sûr de son succès auprès des amateurs d’art et collectionneurs occidentaux. Il s’appuie sur la vieille tradition du portrait politique toujours en revisitant le portrait dit « officiel ».Il place les personnalités au même rang que les produits de consommation quotidienne via l’utilisation de la même technique, la sérigraphie. Il s’inspire des photographies largement diffusées par les médias de l’époque quand ce n’est pas lui-même qui les prend avec son polaroid. Ce faisant, Warhol a su relier les images de ces dirigeants aux grands mythes de la culture contemporaine. Par cette assimilation, Warhol nous révèle comment ces célèbres dirigeants ont pu et su se hisser au rang de célébrités grâce à leur représentations permanente dans les médias.

Jusqu’au 30 juin 2011, la galerie Taglialatella à Paris nous propose une vingtaine de ces grands portraits, extraordinaire galerie contemporaine de figures emblématiques des enjeux de l’époque, une sorte de portrait collectif du monde moderne. Au-delà du phénomène marketing qu’il a lui-même favorisé et détourné, ses portraits révèlent un aperçu intéressant et jusque-là peu développé sur les opinions politiques de Warhol et la relation qu’il peut y avoir entre célébrité et politique, entre art et pouvoir. Plus que tout autre artiste, Andy Warhol a su mêler dans son art Politique et culture Pop.

Clémentine Gaspard, mai 2011