Andy Warhol Unlimited

Aussi encensé que critiqué, surmédiatisé, Andy Warhol n’a cessé de réinventer le rapport du spectateur à l’oeuvre d'art en débordant des cadres établis.

Au-delà du pop art, la dimension sérielle de l’art d’Andy Warhol (1928-1987) ressort à l’évidence de cette exposition « Warhol Unlimited » au Musée d’Art moderne de Paris jusqu’au 7 février 2016. Comme la série Shadows, 102 toiles avec un seul motif et sérigraphiées de 17 couleurs différentes, qui se déploient ici sur une longueur de plus de 130 mètres. « Shadows sème le trouble, analyse Fabrice Herrgott, directeur du musée. Au meilleur sens du terme, l’oeuvre demeure « déconcertante ». De quoi s’agit-il ? Est-ce de la peinture ? Une installation ? » A la question de savoir si elles étaient de l’art, Warhol répondait non : « ... On passait de la disco durant le vernissage, je suppose que ça en fait un décor disco ».

Pirouette verbale qui en dit long sur la conception de l’œuvre d’art selon Andy Warhol. Finie l’œuvre unique sur un support unique. Warhol, qui a justement nommé son atelier « Factory » (« manufacture » en français) choisit de préférence un objet courant, par exemple la fameuse boîte de soupe Campbell (1962), une photo de Marilyn (1962) ou de lui-même (1966), en retravaille la photo avec des procédés industriels, sans ajout personnel, et en tire une série juste en variant les couleurs.

L’idée même de représentation de l’art est battue en brèche par Warhol qui place ses motifs à répétition sur du papier peint comme le Cow Wallpaper (1965) à motif de vache. Et, pour une rétrospective au Whitney museum en 1971, il accroche sur ce papier peint trivial Electric Chairs (1967), série de sérigraphies d’une chaise électrique … Provocation médiatique certes, mais pas seulement.

« Vous allez au musée et ils disent que c’est de l’art et des petits carrés sont accrochés au mur, ironise Andy Warhol. Mais tout est de l’art et rien n’est de l’art. » Qu’il s’agisse de « peintures », de « sculptures » ou de « films », son art déborde des cadres établis. Warhol utilise l’exposition comme un moyen d’expression avec lequel il ne cesse d’expérimenter tout au long de sa carrière, défiant les règles et les usages de l’accrochage, saturant l’espace, mélangeant les genres. Un artiste de la démesure résume Fabrice Herrgott.

Clémentine Gaspard, janvier 2016