Le Signe à Chaumont

Chaumont inaugure son nouveau centre du graphisme et en profite pour montrer sa collection d’affiches. Notre visite en images d’un lieu exceptionnel.

Le Signe, centre national du graphisme de Chaumont, est l’aboutissement d’un projet de 30 ans. Le graphiste Vincent Perrottet, en charge de la programmation artistique du Signe, rappelait que l’idée en était déjà présente en 1990 à la création du Festival international d’affiches dont il a été DA de 2002 à 2009: prolonger le festival, faire vivre le graphisme toute l’année avec un lieu entièrement dédié qui n’existait pas même à Paris. Un lieu qui ne restera pas unique espère Vincent Perrottet, désireux de monter des collaborations avec d’autres villes comme Echirolles qui rouvre son propre centre du graphisme en novembre 2016. Le Signe, actuellement géré en direct par la ville de Chaumont, devrait être pris en charge en 2017 par un Groupement d’Intérêt Public où s’associeraient la Région et l’Etat via le CNAP.

Une architecture qui fait référence au graphisme
Après concours en 2010, l’architecte Alain Moatti a réalisé un bâtiment en feuilles de pierre pour envelopper et compléter l’ancien bâtiment de la Banque de France en gardant la même hauteur de deux étages. De grands plans horizontaux et verticaux de 12 cm d’épaisseur seulement : la pierre de couleur sable en parement (5mm d’épaisseur) est collée sur un nid d’abeille en aluminium par l’intermédiaire de fibres de verre imprégnées de résine époxy. Ces « grandes feuilles silencieuses » comme les appelle Alain Moatti enveloppent la structure en béton et structurent l’espace autour d’un grand parvis menant à l’entrée. Et entre ces plans de pierre, des panneaux de verre ouvrent l’édifice sur la ville. Le mobilier urbain autour du Signe a été repensé par le designer Ruedi Baur avec la fonderie locale GHM, mêlant là-aussi tradition et modernité.

Entrée et accueil se font dans l’ancien bâtiment qui abrite aussi café, salle de consultation et de formation et atelier d’impression. Un lieu de vie ouvert au public, un « lieu vivant où se fait la création », sobrement aménagé en noir et blanc pour mieux laisser les couleurs aux œuvres graphiques. Le carrelage d’origine de la Banque de France a été gardé autant que possible et complété par un carrelage noir et blanc en débordement, carrelage qui vient composer des formes graphiques abstraites ainsi que deux QR codes qui relient au site de la ville pour plus d’explications sur l’aménagement intérieur du site.

L’extension, en béton brut à l’intérieur, se compose d’un plateau de 650m2 et d’une galerie de 350 m2 au premier étage avec terrasse panoramique orientée vers le centre ville. Cet espace de mostration a vocation à accueillir deux expositions par an dont celle des affiches du Festival en mai.

Identité visuelle et signalétique par Juliette Weisbuch (Polymago)

Juliette Weisbuch, associée dès l’origine à la candidature de l’agence Moatti-Rivière, a opté pour un graphisme minimaliste pour permettre la présentation et le renouvellement de tous les signes et de toutes les images du bâtiment, sans entraver la créativité. Deux trames de petits points noirs, régulières et orthogonales recouvrent ainsi les murs extérieurs du Signe comme « un tatouage, indélébile mais discret à l’échelle du bâtiment ». La signalétique fait appel à une typographie neutre, l’Avenir, en bas de casse, où seul le mot graphisme est en relief pour mieux capter la lumière.

Dans le prolongement de la trame extérieure, une seule ligne horizontale de points pénètre à l’intérieur du bâtiment et trace, le long des murs, un fil d’Ariane en pointillés. Cette signalétique minimaliste guide le visiteur dans les différents espaces et étages du Signe grâce aux mots qui s’immiscent entre les points de cette ligne, nommant les lieux, indiquant les services et les circulations. Juliette Weisbuch a néanmoins complété cette signalétique minimale avec une identité visuelle du lieu faisant appel à des pictogrammes, des silhouettes en ombres chinoises. « Le souhait était de raccrocher le lieu à sa ville autant qu’à sa mission. C’est ainsi qu’est née l’idée de « l’alphabet des formes chaumontaises ». Nous avons dessiné un ensemble de 86 signes, issus pour moitié du patrimoine de la ville (son architecture, ses traditions, son histoire) et pour moitié du patrimoine graphique international (en puisant dans l’exceptionnelle collection d’affiches de la ville). Ces signes s’inscrivent en silhouettes de toutes tailles, sur les murs intérieurs, les sols et les plafonds du bâtiment ». Les bureaux du centre de ressources au premier étage du Signe reprennent cet alphabet chaumontois sur les murs et même sur les plafonds, en taches géantes de couleur cette fois-ci pour illuminer l’espace. Dernier clin d’œil, les murs des toilettes se parent d’une série de plus de 220 silhouettes d’hommes et de femmes. Ces participants au projet ont été photographiés de face, seuls Juliette Weisbuch et Vincent Perrottet apparaissent de profil, et leurs silhouettes sérigraphiées directement sur le carrelage.

La Collection : exposition inaugurale d’affiches de la collection de la ville de Chaumont
Issue du fonds légué par le collectionneur chaumontois Gustave Dutailly au début du XXème siècle, la collection d’affiches de Chaumont s’enrichit depuis 1990 des contributions au concours international d’affiches au cœur du Festival. Abritée dans les sous-sols des Silos à côté du Signe, cette collection est devenue la plus importante de France après celle de la Bnf qui abrite le dépôt obligatoire des œuvres.

Aidé par un comité de sélection, Vincent Perrottet en a tiré presque 300 affiches, dont un tiers anciennes, pour cette exposition inaugurale la Collection à voir au Signe jusqu’au 8 janvier 2017. Ces affiches tapissent les murs, regroupées sur des échafaudages en bois en 12 catégories : mises en scène, écritures typographiques, condition féminine, pollution et écologie, couleur rouge, etc. Les angles d’approche sont variés, alternant joyeusement considérations techniques et thèmes traités. Au premier étage, une « Forêt de symboles » abandonne toute thématique, Vincent Perrottet y regroupe les affiches par affinités. Une « kermesse du signe » selon l’expression de Véronique Vienne, avec un côté festif qui augure bien de l’avenir !

Paul Schmitt, octobre 2016