Festival de Chaumont 2014

De l’affiche au graphisme conceptuel, le tour d’horizon annuel de la planète graphique en sept expositions.

Comment aller au-delà du « monument » qu’est Chaumont dans le graphisme, comment dépasser le cadre du concours d’affiches qui a fait la célébrité de ce festival ? C’est la question que pose depuis 2010 Etienne Hervy, directeur artistique du festival de Chaumont, avec pour objectif de rendre compte du travail du designer graphique dans sa variété de supports, de postures et de démarches. Avec des succès inégaux parfois, mais avec une constance digne d’éloges.
Ce 25ème Festival de Chaumont, renommé « Chaumont Design Graphique », offre donc  jusqu’au 9 juin 2014 une palette d’événements divers disséminés  à travers la ville, à l’instar des années précédentes.

« Surface Habitable » aux Subsistances
Pour compléter la traditionnelle exposition d’affiches dans cet ancien entrepôt militaire, six référents ont sélectionné des projets dans un des champs investis par le design graphique : systèmes de signes (identités visuelles, signalétique), éditions, dessin de caractères, écrans interactifs, écrans non interactifs, projets non formels (structures, événements, …).

La scénographie conçue par le graphiste Mathias Schweizer et le designer Dimitri Mallet répartit ces projets dans un « appartement »  dont les éléments (table, lit, bibliothèque) sont surdimensionnés. Il s’agit de montrer que le graphisme est présent non seulement dans l’espace public, mais aussi dans notre sphère domestique ; et de faire s’interroger le visiteur sur sa relation aux productions des designers graphiques dans leur contexte d’usage plutôt que dans le cadre d’une exposition classique.

« Ceci n’est pas une Carte Blanche » à la chapelle des Jésuites
Lieu traditionnel du Festival de Chaumont, l’ancienne chapelle de style baroque sert d’écrin à des expérimentations graphiques. Cette année, trois studios,  Åbäke, Dexter Sinister et Our Polite Society répondent à une invitation qui les interroge sur le statut et la nature du projet qu’ils présentent, se voient demander de déterminer par eux-mêmes le statut de leur projet et sa relation au lieu qu’il investit.

Dexter Sinister (le duo anglo-américain Stuart Bailey et David Reinfurt) présente un travail de typographie sous  la forme d’une projection vidéo. A l’aide du langage Metafont, ils travaillent le tracé d’un caractère typographique sous forme d’une programmation paramétrable en temps réel plutôt que  par un dessin. Courbes, empattements, graisse du  caractère sont ainsi modifiables de façon dynamique à chaque affichage.

Our Polite Society mesure la distance qui sépare son studio amstellodamois et Chaumont. Le suédois Jens Schildt et l’allemand Matthias Kreutzer ont prélevé et mis en affiches les formes de la signalisation ferroviaire néerlandaise belge et française : un langage visuel sans auteur connu et dont le sens échappe aussi bien aux voyageurs qu’aux designers.

Le collectif londonien Abäke présente au public une « trinité non religieuse » et non-fonctionnelle : un meuble à plans  transparent (ce qui lui fait perdre ses fonctions de conservation) abritant des objets de vénération liés à des régimes totalitaires ; une expérience d’interprétation de la musique du groupe Nirvana par des gens ne connaissant pas le groupe ;  et une sculpture qui est sa propre caisse de transport et dont le montage a fait l’objet d’une performance pendant ce Festival de Chaumont.

Les esquisses de Felix Pfäffli
Pendant de son exposition d’affiches à Une Saison Graphique 14 au Havre, le graphiste suisse Felix Pfäffli en montre les esquisses et dessins préparatoires aux Subsistances. Une exploration des recherches plastiques à la base de son travail graphique au style très foisonnant.

Signes de la Grande Guerre

L’historien du graphisme Michel Wlassikoff nous invite à regarder le conflit à travers des documents et images d’époque : affiches d’emprunts, journaux illustrés et parfois censurés, cartes postales, documents militaires… Ces images donnent à la guerre un visage nouveau : non pas fabriqué par la mémoire et l’Histoire, mais capté sur l’instant par les nécessités de communication ordinaire et de propagande.

Concours d’affiches
Double exposition pour fêter les 25 ans du concours international d’affiches de Chaumont. Une rétrospective des 25 affiches gagnantes accompagne ainsi la traditionnelle exposition d’affiches soumises au concours de l’année.

Présidé par le graphiste suisse Ralph Schraivogel (lui-même lauréat en 1997 et 2010), le jury récompense cette année le duo français Helmo (Thomas Couderc, Clément Vauchez), 1er prix pour ses affiches Coucou Bazar pour l’exposition de Jean Dubuffet au musée des Arts décoratifs en 2013

Evelyn Ter Bekke et Dirk Behage (Atelier ter Bekke & Behage) et le coréen Kim Do Hyung remportent respectivement les deuxième et troisième prix. Un prix Icograda récompense par ailleurs l’ensemble du travail de Mathias Schweizer, autre représentant d’un graphisme suisse débridé, affranchi de la tradition moderniste.

N’oublions pas pour finir le concours étudiants qui les invitait à se poser sérieusement la question de l’affichage, dans sa dimension technique, technologique, politique, économique ou sociale pour « le faire exister, l’ancrer dans la réalité d’un projet, dans l’ambition d’une communication qui vous est propre, quelle que soit sa nature». A ce jeu s’est distingué particulièrement le français My-Lan Hoang-Thuy, premier prix avec Regardez-moi, jeu de miroir entre affiche, auteur et spectateur.

Paul Schmitt, juin 2014