Métier : directeur artistique dans la publicité

A quoi ressemble une journée de directeur artistique ?

"Le matin, nous faisons le tour des blogs, des sites qui nous montrent des images, des créations, de nouvelles choses. On s'update, on regarde", détaille David Derouet. "En début d'après-midi, nous nous attelons à la fabrication des idées imaginées la veille. Car le moment de conception pour nous, c'est plutôt la fin de journée. Nous nous y consacrons tous les deux, Emmanuel et moi, mais ensuite c'est lui qui écrit et moi qui fait les maquettes et chacun a un avis sur ce que fait l'autre."

Et puis parfois, bien sûr, le méritant DA remporte une compétition interne (car les agences mettent souvent leurs teams en compétition sur un même budget, le but étant d'obtenir la meilleure proposition créative) et il s'envole en République Tchèque, au Portugal ou en Afrique du Sud pour tourner un film publicitaire...

La journée de Benjamin Marchal ressemble peu ou prou à celle de David Derouet. "Le matin, nous arrivons vers 9h30 et nous prenons des nouvelles du monde, nous regardons ce qui est sorti en pub. Ensuite, nous passons à la conception jusqu'à 13h. Après le déjeuner, si nous travaillons sur un film, Olivier mon rédacteur tape le script et moi je continue la conception. Si nous sommes sur du print (une affiche, une annonce presse...) c'est l'inverse."
Au quotidien, le team travaille sur deux ou trois sujets en même temps, jamais plus. "Sur un budget il faut compter environ deux semaines d'allers et retours de conception", explique Benjamin Marchal.

"Nous, nos journées sont un peu atypiques puisqu'avec Léo nous travaillons quasi exclusivement depuis des cafés où nous aimons nous installer", raconte David Bertram qui admet avoir un statut à part et privilégié au sein de son agence. "Mais de fait, nous travaillons plus intensément que si nous étions dans un open-space en agence..."

Les prix, c'est important ?

Le Graal pour un directeur artistique, c'est de remporter un Lion à Cannes. Un Lion d'Or, si possible. Mais il existe des tas d'autres prix (D&AD, Club des Directeurs Artistiques, Eurobest, etc.). Et oui, tous en conviennent, dans une carrière, un prix c'est très important.

Benjamin Marchal a atteint très jeune ce rêve de créatif, remportant un Lion d'Or en 2005 avec un film pour le quotidien L'Equipe. "C'est super, mais c'est brutal", analyse-t-il aujourd'hui. "Tout à coup, notre image au sein de l'agence change car en matière de prix, rien ne vaut un Lion... sauf un D&AD. Et la pression s'accroît."
Le jeune homme et son concepteur-rédacteur Olivier Lefebvre ont de nouveau remporté un Lion d'Or en 2009 avec une campagne pour Greenpeace.

David Derouet a lui aussi remporté un Lion en 2009, mais de Bronze, avec sa campagne superbe pour la Fondation Abbé Pierre (dont nous avons déjà parlé ici). "En fait ce qui compte, c'est de rapporter soit des prix, soit de l'argent", analyse-t-il, froid et lucide. "Et quand, comme avec Emmanuel et moi, les deux sont au rendez-vous, cela sécurise notre position au sein de l'agence."

David Bertram, lui, cite quelques trophées reçus mais n'est pas très intéressé par "les prix de la pub". Et il n'a pas eu de Lion pour le moment sans pour autant en souffrir le moins du monde...

D.A., les bons et mauvais côtés ?

"Ce que j'aime le plus en tant que directeur artistique, c'est le côté bricoleur", se réjouit David Derouet. "J'aime avoir une idée dans un petit bureau et me retrouver ensuite sur un tournage au Portugal avec plein de gens autour de moi qui s'agitent pour mettre en forme cette idée... J'aime aussi les relations avec les photographes, j'aime fabriquer... Ce que j'aime moins, par contre, c'est le boulot du Directeur de Création, toute la partie business, toutes les relations avec les commerciaux... "

Pour Benjamin Marchal, ce métier passionnant est stressant. "Mais c'est du bon stress. C'est un métier qui implique pas mal de pression, en partie à cause des lourds enjeux financiers qui sont dans la partie. Heureusement, notre directeur de création Hervé Alexandre, nous protège. Ce que j'aime aussi, c'est que désormais les barrières entre les différentes disciplines sont tombées : nous pouvons proposer au client toutes sortes de choses différentes et cela nous ouvre des tas de perspectives !"
Le jeune créatif de 31 ans (déjà un senior !) regrette néanmoins que le métier attire trop d'aspirants, "il y a un effet d'entonnoir", explique-t-il.

David Bertram n'est pas, lui, un grand amoureux de son métier qu'il voit comme "un tube digestif de la vie, qui bouffe tout ce qui se crée, tout ce qui se fait et qui le chie, d'une certaine manière" Lui qui se dit "frustré artistiquement dans le métier de DA depuis neuf ans" et se réjouit d'avoir signé comme réalisateur chez Première Heure (LA boîte de production publicitaire par excellence) en parallèle de ses activités créatives chez CLM/BBDO reconnaît tout de même quelques vertus à sa vie de pubeux. 
"Ce métier m'a ouvert les yeux sur plein de choses. Il nous force à suivre tout ce qui se fait, toutes les expositions, les films, les tendances, partout... car c'est un métier entièrement connecté aux modes. Et puis, tellement de publicités se créent chaque jour que pour se différencier, nous devons constamment nous réinventer, essayer de faire autrement."