Metiers graphiques et rémunération en 2006 page 3

| Un métier, des métiers | Clients, tarifs et statuts | Evolutions et quête de sens |
François Caspar : interview|Marsha Emanuel : la vigie du graphisme|Tableau des rémunération|Adresses utiles |

Une évolution en marche Si cela continue, "les commanditaires vont devenir graphistes", ironise François Fabrizi. Et c'est bien cette crainte de la suprématie des logiciels sur la pensée conceptuelle qui fait peur aux créatifs professionnels. "Les graphistes sont de plus en plus dépendants des éditeurs d'applications et, de manière générale, d'un matériel toujours plus coûteux et sophistiqué", regrette Valérie Voyer. Et d'imaginer un monde abominable où, freiné par les prix trop élevés, seuls les plus fortunés pourraient accéder au si privilégié métier de graphiste. "Cassandre ou Cieslewicz n'auraient peut-être pas pu émerger maintenant !", craint-elle. Une évolution technique qui passionne tout de même nos créatifs qui se livrent à quelques analyses prophétiques à l 'image d'Antoine Mouquod pour qui les principales évolutions sont la vidéo et les podcasts. "J'attends personnellement la sortie du player unique Apollo par Adobe qui devrait condenser en un seul player Acrobat Reader et le Flash player", ajoute-t-il. Autre évolution prévue, le média mobile : applications pour téléphones portables, jeux SMS, jeux sous Flash. "L'internet mobile est vraiment l'enjeu de demain", confirme Sergueï Tchepik, plutôt en pointe sur le sujet.

La lutte pour le signe qualitatif
Avec le développement rapide de la mondialisation culturelle à laquelle s'ajoutent la multiplication des logiciels, des ordinateurs, des micro-agences et des écoles bidons, la population graphique n'a jamais été aussi importante. Et avec elle une guerre des prix et une sérieuse baisse des intentions créatives. Il y a donc une réelle bataille du sens graphique à mener, comme l'analyse Valérie Voyer : "Il y a une lutte à mener contre les images creuses, vecteurs passifs d'idéologies hasardeuses, soumises et serviles par rapport aux lois du marché". Une analyse sans concession qui laisse place à un vrai optimisme... "Il y a de plus en plus de graphistes de grande qualité qui apportent du sens là où on n'en attendait pas forcément", tempère-t-elle. "Ils arrivent à mettre de l'éveil, à constituer une culture qui change un peu. Mais je crains que nous ne soyons abonnés aux femme+voiture, enfant+typo stupide, etc. pour encore un bon bout de temps, quand bien même ça ne fonctionne plus."

Se structurer
Les métiers de la communication visuelle sont, on l'a vu, le fait de structures aux pratiques et aux organisations protéiformes. Souvent qualifiés d'individualistes, les designers (graphiques, produits, industriels, textiles, etc.) ont du mal à défendre leurs droits. Une structure, pourtant, s'attache à porter leurs revendications, faisant oeuvre pédagogique auprès des institutions françaises et européennes, mais également en direction des commanditaires publics et privés : c'est l'Alliance Française des Designers (AFD). Encore trop peu connue car animées par des bénévoles subermergés de travail, elle commence tout de même à s'inscrire dans l'esprit des professionnels de l'image qui en attendent beaucoup, à l'image de Sergueï Tchepik, enthousiasmé par leur action, oue de Grégory Thouvenin, précis dans ses espérances : "J'attends de leur part des conseils pratiques sur le fonctionnement de mon activité, la protection de mon travail, des réflexions plus générales sur ma condition au sein de la Société et, enfin, un soutien direct en cas de problème précis lié à mon métier. Mais il me semble que c'est déjà ce qu'ils proposent". Effectivement et même plus (voir l'interview de François Caspar, ancien résident de l'AFD et actuel responsable des relations européennes et des questions juridiques - NDLR ). Plus générale, l'analyse de Valérie Voyer témoigne des errances d'une profession encore mal structurée. "Le graphisme est un secteur très concurrentiel, nous sommes vraiment nombreux, de tous styles et de toutes qualités. Ce que je souhaiterais, c'est une passerelle entre nous, plus de dialogue, moins de chacun dans son coin. J'ai peu de visibilité sur le mode de vie, les attentes de mes pairs. J'attends aussi moins de méfiance, plus de lisibilité sur les tarifs pratiqués, les conditions de travail : ce n'est qu'ensemble que nous pourrons faire progresser chacun sur ces points. J'ai l'impression que nos réalités respectives sont très inégales". Mais être ensemble, tous informés, c'est aussi le rôle des écoles. Un rôle pas toujours rempli avec sérieux qui laisse chaque année des petits jeunes se lancer sur le marché sans aucune notion – ou presque – du démarchage, du droit d'auteur, etc. Un triste état de fait que s'acharne à combattre Perrine Dorin qui, en tant qu'illustratrice et ancien agent, aime à transmettre son expérience. "J'ai passé dix ans à essayer d'éduquer mes clients commanditaires à élever leur conscience, en tant qu'agent d'illustrateurs. Aujourd'hui, je forme des étudiants pour aborder l'après-école, car je pense que c'est une véritable lacune dans l'enseignement artistique. Les écoles d'art ne forment pas au démarchage, au marché de l'art, au savoir-se-vendre et les jeunes sont dans le flou total quand ils sortent du cadre. D'ailleurs, pour les directeurs pédagogiques qui liront ceci : n'hésitez pas à me contacter (perrine.dorinping@freesurfpong.fr) si votre école ne prépare pas au grand saut !"