La passion des images

Graphiste, directeur artistique, photographe, plasticien... Héros malicieux d'une créativité chic et inventive depuis plus de cinquante ans, le suisse Peter Knapp, jamais à cours d'idée, expose l'ensemble de son oeuvre à la Maison Européenne de la Photographie et fait l'objet d'une monographie publiée au Chêne. Avant des expositions en Suisse et à New York.

Peter Knapp est né en 1931 à Beretswil en Suisse. Formé à la prestigieuse Kunstgewerbeschule de Zurich, qui est dirigée par des professeurs allemands issu du Bauhaus. C'est l'école qui forma de nombreux grands graphistes suisses du XXe siècle (dont Jean Widmer). "Si le graphisme suisse s'est imposé en Europe, c'est avant tout par opportunisme. Nous n'étions pas impliqués dans la guerre", explique-t-il, "Nous avons continué notre développement créatif quand les belligérants avaient d'autres priorités que la recherche plastique. "

De l'art plastique aux arts appliqués, créateur prolifique, Peter Knapp s'est toujours épanoui hors des cadres et des petites cases. Baptisé "l'oeil" par Annie Le Brun, il n'a pas consacré une technique mais plutôt une matière première : l'image sous toutes ses formes.

Les Galeries Lafayette

Pour vivre, dès 1953 il devient directeur artistique et prend en charge la communication des Galeries Lafayette sous la direction de Jean Adnet. En 1955, il est seul maître à bord. Il n'a que 24 ans. Il se passionne pour Brodovitch et essaie d'en introduire l'esprit dans l'imagerie du grand magasin. Sur le trottoir d'en face, son compatriote Jean Widmer s'occupe de la direction artistique du Printemps. Peter Knapp se souvient avec amusement de cette période de concurrence entre les deux jeunes helvètes.

Elle

De 1959 à 1966, il est le directeur artistique du magazine Elle. Un magazine que la directrice, Hélène Lazareff,souhaite voir évoluer à l'américaine dans l'esprit du prestigieux Harper's Bazaar. Peter Knapp redessine le logo de l'hebdomadaire et se rend célèbre en révolutionnant la photo de mode : avec lui les mannequins bougent enfin, se libèrent, font vivre les vêtements en sautant, riant. Il collabore très régulièrement avec Oliviero Toscani, Sarah Moon ou Jeanloup Sieff et quand il ne trouve pas de photographe répondant à ses idées, il prend lui-même l'appareil. Quand il quitte Elle, Peter Knapp est en pleine saturation. "Je n'en pouvais plus. La mode exige un esthétisme idéalisé, tout rendre toujours plus beau". Mais de 1974 à 1978, il refera tout de même un passage à la tête de la création de ce magazine qui l'a rendu célèbre.

Edition

Directeur artistique des éditions André Sauret de 1967 à 1992, Peter Knapp remportera deux fois le prix du Meilleur livre d'art de l'année décerné pour "Lumières de Chartres" et "Giacometti". Sa collaboration avec Raymond Lévy engendrera également les collections "Livres de la Santé" pour les éditions Rencontres de Lausanne et "Profils de l'art" pour les éditions du Chêne (qui publient aujourd'hui l'ouvrage monographique qui lui est consacré). Il conçoit également la collection "Contemporain" pour le Centre Pompidou. "J'aime travailler en graphisme sur des livres", explique Peter Knapp. "A la différence des magazines qui ne sont que le témoignage d'un temps précis, les livres restent."

La photographie

Peter Knapp ne s'est emparé du medium photographique qu'à l'occasion de sa collaboration au magazine Elle. Voulant déstatufier les images de mode, il révolutionnera un milieu jusqu'alors figé. Tirant parti d'une technique alors défaillante, il optera pour une caméra 16 mm filmant les mannequins en séquences très courtes avant d'en tirer des images fixes.

 En 1975, Peter Knapp prend ses distances avec la mode et développe un travail de photograhie plasticienne. C'est le début de ses célèbres ciels, immenses horizons bleus imprimés en cibachrome. La subjectivité de l'oeil le fascine, c'est ainsi qu'il intervient directement sur la pellicule, la gratte, la déchire. C'est au coeur de cette même démarche qu'il se lance dans les "décomposé/recomposé", découpages d'images allégoriques.

L'image animée

Peter Knapp est également célèbre pour l'émission de mode Dim Dam Dom pour laquelle il réalisa une quarantaine de films de 1965 à 1970. Il n'arrêtera plus. "Je me suis lancé dans la vidéo car au début des années quatre-vingt, les commandes d'annonces et d'affiches étaient ennuyeuses", se rappelle-t-il.

Enseignant à la même époque à l'école de communication visuelle ESAG-Penninghen, il prévient ses élèves que l'écran pourrait prendre la même importance que le média imprimé. Il avait vu juste. "Je leur apprenais à mettre la typographie en image et en sons", conclue Peter Knapp.

A 77 ans, Peter Knapp déborde toujours autant d'idées, d'énergie créatrice et d'activités. De la France à la Suisse jusqu'à New York, il parcourt toujours le monde, son oeil en alerte.

Léonor de Bailliencourt - Février 2008
Jusqu'au 30 mars 2008.
Maison Européenne de la Photographie, 5/7 rue de Fourcy, Paris 4e.

Livre "Peter Knapp" par Gabriel Bauret, Hans-Michael Koetzle, François Cheval et Catherine Zask, publié aux éditions du Chêne.
312 pages, 19,5x24 cm, 45 euros.